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Sinistre Disco Ball... 60  ans de dystopie psychologique
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C'est quoi ce truc ?
En un tout premier temps, Sinistre DiscoBall n'était qu'un pari idiot sur lequel je pensais me casser la figure avant d'avoir écrit le douzième du premier jet. En un second temps, il a été envisagé, sans trop y croire, de le publier en auto-édition numérique. En un troisième, envisagé de même mais sérieusement et assez follement. En un quatrième... nous y voici. Publication sur blog.Tout  simplement. 

Description du projet : ICI.
Complément à description : LA.

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27 janvier 2020

1.1 > Rencontre d'un soir d'hiver

Année du Serpent de Métal.

16 février 2061.

Roberto.

Fatigué d'une longue journée à entretenir les émetteurs de la voie magnétique, Roberto voudrait bien se caler dans le vieux canapé crevé où sa femme et le chien doivent l'attendre devant une quelconque ânerie pleine de bons sentiments.

Un écran de mauvaise qualité branché sur une banale chaîne à grande écoute essaye de distraire les braves gens qui, alignés sur de mauvaises chaises, marinent dans leur jus d'honnêteté et de lassitude avec une solide envie de tout démolir. Dans l'hologramme, un gusse tiré à quatre épingles expose les projets de de Baudouin Matyald pour le grand domaine dont il a fait l'acquisition voilà quelques années et qu'on a couvert d'une vaste météosphère. Le lieu va être aménagé en centre d'étude biologique. Il en confiera la direction en sera confiée au Pr Corsaret, éminent botaniste ayant des attaches dans tous les milieux universitaires. Et mari de sa nièce Ermande, dont la presse people, ces temps-ci, paillette partout la venue prochaine du troisième enfant. C'est vrai que l'aîné en est déjà à se partager entre les filles, le sport et les études. L'holospeaker pose des questions et en repose à n'en plus finir. Comme si ça intéressait quelqu'un, cette sphère pour étudier les petites bébêtes ! Même les tempêtes qui font péter les magnétovoies s'en tapent complètement.

Un calendrier chinois décore la pièce. Année du Serpent. Serpent de Métal. Roberto est du signe du Cheval d'Eau. Sa femme aime bien les horoscopes chinois, alors il connaît son signe et plein d'autres. Baudouin Matyald est Serpent de Terre. Le Pr Corsaret, elle n'a pas dû lui dire parce qu'il n'en a aucune idée. Par contre, son fils, le petit-neveu du milliardaire, il est du signe du Rat, parce qu'il est né au tout début de l'année. Rat de Bois. Elle trouve ces mots poétiques. Pour lui, c'est juste de l'absurdité. Faut vraiment avoir que ça à penser. Ou n'avoir rien de mieux pour se remonter le moral. Justement. On n'a pas grand-chose de mieux. Dans le Losange, tout ce qui peut aider à rêver a du succès. Les séries à l'eau de rose, les graffitis colorés, les marabouts, le kerag...

L'heure passe, repasse, dégouline lentement et sans s'arrêter.

Roberto mâchouille quelques jurons à l'encontre des petits salauds qui ont encore une fois massacré du matériel et l'obligent à perdre son temps au poste de police. Dans les mains d'une femme en rouge à lèvres vif et cocard sombre, un gobelet de jus sans saveur lui tire le regard sans lui donner envie d'autre chose que du bon café de sa femme. De temps à autre, écoute distraitement des yeux les quatre flics sur chaise. Ils sont un peu la tour de contrôle de cet aéroport vers un monde plus beau, où tout le monde il sera content tout le temps. Baye un peu. Tripote sa moustache en long large et travers, puis ses doigts d'une main avec ceux de l'autre. Bée en ronflottant aux corneilles. Se réveille au grincement d'une chaise. Dévisage le mec qui s'est assis en face de lui. Yeux bridés et longs cheveux noirs liés en queue de cheval. Blouson marron sur pull-over vert jade. Lunettes noires accrochées à son col. Grand et mince. Plutôt beau, vu de face. Quand il tourne la tête et montre son profil, on lui voit un long nez trop pointu et une cicatrice sur la pommette droite. Une brûlure, on dirait. Le type en question ne reste pas longtemps à poireauter. Un policier vient lui serrer la pince et entre avec lui dans un bureau. Pfff... forcément, quand on a des potes là où y faut. En plus, il a pas une gueule à passer ses journées à trifouiller les câbles malgré la pluie et le vent, ce mec. Toujours les mêmes qu'ont de la chance.

Un peu d'agitation du côté de la porte. Le technicien aux nerfs lessivés voudrait du calme. Un gosse de quatorze ou quinze ans entre, poussé par une armoire à glace en combinaison antilaser. Maigre mais hargneux, il le martèle de coups de pied dans les tibias. Quelques rires en sourdine se font entendre dans la salle d'attente. Il a des sacrés balanciers, le môme. Roberto n'en a pas la force mais ses lèvres et ses yeux se plissent. Visiblement blasé, le mastard assied de force le garçon sur une chaise en face d'un de ses collègues tapoteurs de clavier. Se laisse pesamment tomber sur celle d'à côté et retire son casque. Roberto est surpris. La tronche qui apparaît est celle d'un vieillard, ridée et fatiguée, avec des cheveux blancs qui ont déserté le sommet de la tête. Le gamin semble étonné, lui aussi, mais se remet vite et file sous la chaise quelques coups supplémentaires.

– Quoi qu'il a fait, çui-là ?

Le mec derrière le bureau dort sur son ordinateur. Une bécane antédiluvienne qui détonne à côté de la machine à café toute neuve.

– Était en train de voler des pièces détachées dans un garage à motos volantes.

– Encore ? Faut-y que ça soit rentable, ce genre de trafic ! Bientôt, on aura plus que ça.

– C'est qu'une mode. Tous les voyous du coin veulent avoir une moto volante et qu'elle soit mieux que celle du copain. Dans quelques années, ils auront trouvé autre chose pour frimer.

– Rentre chez toi, Joe... t'as déjà deux heures de retard. Tes mômes t'attendent. Çui-là, on va le mettre au frais. Une affaire de pièces détachées, ça presse pas. On fera ça demain.

Roberto grimace. Lui non plus, sûrement, ne presse pas. Son histoire de vandalisme sur machines de chantier, ils feront ça demain aussi.

Deux autres policiers amènent un grand costaud au blouson noir couvert de barres fluos et au front décoré d'un gros dessin noir. Un vrai colosse, qui rend minuscule même le policier tellement malabar. Roberto a l'impression de le connaître, ce tatoué. Il a pas l'air vieux. Sûrement pas vingt ans. Passage très rapide devant un des bureaux. Le géant semble être déjà connu. Pas une surprise. Il a bien l'allure d'un de ces petits salauds qui rendent la vie impossible. Contrairement au gamin, il est tranquille. D'un calme olympien, même. Deux policiers discutent entre eux, l'air sombre. Roberto devine que ce gars-là a un truc dans sa manche pour ressortir sitôt pincé. Le Losange est rempli de petits voyous qui se vantent d'avoir des copains hackers capables de faire gober n'importe quoi même aux flics.

Et faudrait espérer qu'ils arrivent à débrouiller une pauvre histoire de vandalisme sur des engins de chantiers ? Le Losange est pas leur territoire. Roberto courbe l'échine, vaincu d'avance. Il aurait plus de chances en allant s'adresser au Marionnettiste. Encore faudrait-il savoir où le trouver. Encore faudrait-il que ce salopard ait envie de l'aider. Encore faudrait-il qu'il existe autre chose que de la merde en ce bas-monde.

Le type en pull-over vert est réapparu. Il semble plus sombre qu'en arrivant. Roberto ne peut pas s'empêcher de ressentir une joie un peu vicieuse. Pas toujours les mêmes qui ont de la chance. Silencieux, il se dirige à pas souples vers le distributeur et lui fait servir un pseudojus énergisé. S'adosse au mur pour y mouiller les lèvres. Réfléchit en oubliant de boire.

Deux des ordinateurs se sont éteints. La salle d'attente ne se vide pas plus vite.

Roberto se tasse sur son siège. Pas humain, de faire des coups pareils à un vieux comme lui. Ça se voit, pourtant, qu'il est à la veille de la retraite. Non... pas humain.

L'hologramme grésille en déformant son holospeaker, qui a changé de sujet et déblatère maintenant un avis de recherche. Le type en vert écoute attentivement. Quand le fantôme virtuel passe à la suite, c'est à dire à des consignes de sécurité en cas de tempête, il s'intéresse enfin à son gobelet, l'air de plus en plus pensif.

On a mis le gamin et le type à la tronche dessinée dessus dans la même cellule. Si c'est pour voir lequel va bouffer l'autre, le spectacle peut valoir le coup, mais Roberto ne le verra pas. On lui fait enfin signe.

Tandis qu'il se dirige vers le bureau vitré où on va peut-être enfin l'écouter jusqu'au bout, le dénommé Joe sort de ce qui doit être un vestiaire. Plus d'uniforme renforcé. Il porte une veste grise, un pantalon marron et un chandail crème. Ses cheveux blancs disparaissent sous une casquette noire. Le pauvre a l'air encore plus vieux et plus usé, du moins par le visage. Son dos bien droit dément un peu l'impression de décrépitude qui émane de lui. Un instant, leurs regards se croisent. Le technicien sent soudain son dos pris de frissons inexplicables. Même sans son armure, ce type est rigide comme une machine de guerre.

Le mec en vert se décolle de la paroi, avec son grand pas vif et souple. Toujours préoccupé, il marche tête baissée, regard vers le sol. Passe tout près. Tellement que Roberto, en trébuchant, le heurte un peu. Une sorte de nuage de bien-être l'enveloppe. Un bref instant, il oublie ses soucis et ses rhumatismes. C'est comme un vertige rêvé, un nuage cotonneux comme un rêve d'enfant. Juste l'espace d'un instant, puis la porte claque et la magie s'estompe.

Au moment de s'asseoir, Roberto se souvient. Le géant au tatouage. Oui, il le connaît. Crénom, qu'il a changé, ce gamin. Alors comme ça, il est revenu.

 

2018-Bareuzai-gilet

 

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CHEVAL CHEVRE SINGE

PHOENIX CHIEN SANGLIER

 

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