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Sinistre Disco Ball... 60  ans de dystopie psychologique
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C'est quoi ce truc ?
En un tout premier temps, Sinistre DiscoBall n'était qu'un pari idiot sur lequel je pensais me casser la figure avant d'avoir écrit le douzième du premier jet. En un second temps, il a été envisagé, sans trop y croire, de le publier en auto-édition numérique. En un troisième, envisagé de même mais sérieusement et assez follement. En un quatrième... nous y voici. Publication sur blog.Tout  simplement. 

Description du projet : ICI.
Complément à description : LA.

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25 mai 2020

1.11 > Pouvoirs en panne.

 Phoenix de Bois.

 2065 

 Stuart.

Dans le noir. Hurlement d'origine inconnue. Stuart soulève avec peine le bord de sa paupière gauche. La droite refuse d'obéir. Et la gauche retombe bien vite. A peine si un éclat de lumière a planté une épingle dans la cornée. Qu'est-ce qui arrivé ?

Son corps, même pas cotonneux, lui échappe. Brumeux. Flou. Absent. Douloureux, pourtant, sans qu'il parvienne bien à dire d'où, ni même comment ou à quel point. On le soulève. On le transporte. Des voix bruissent et lui brisent les neurones. Il lutte pour rester conscient. Tente désespérément de réunir quelques morceaux de sa cervelle éclatée. Entrevoit Kiona parmi les épaves de sa mémoire. S'accroche à elle comme un désespéré. A l'enfant qu'elle attend. Essaye d'ouvrir la bouche. D'appeler. S'évanouit à nouveau.

Étouffe. Se réveille, mais n'ouvre pas les yeux. La douleur, encore. Plus nette. Plus tranchante. Plus brutale. Comme un garde qui bloque un passage et dit de repartir. Respire la puanteur caractéristique d'une chambre d'hôpital. Tente vainement de rafistoler le puzzle des événements récents. La nuit est éclatée en mille morceaux. Ou en trois millions.

Se décide à entrebâiller le regard. Droit devant lui, une silhouette appuyée contre un cadre qui ne peut être qu'une porte. Pressent un agent envoyé par Alpha pour veiller sur lui ou bien lui demander des comptes. N'imagine même pas quelqu'un d'autre. Vacille de l'esprit.

Lutte pour ne pas chavirer, même pas par instinct de survie mais parce que quelqu'un va et vient près de lui et qu'il veut savoir qui. Ami ? Allié ? Ennemi ? Pas un médecin, en tous cas. D'abord parce qu'il n'est pas en blanc, ensuite parce qu'il ne se déplacerait pas ainsi.

De tout ce qu'il arrive à réunir de force, tente de capter les ondes qui flottent dans l'air. Celles de la personne qui marche. Celles de l'autre, à la porte. Rien à faire. Elles flottent, se mélangent, glissent sans qu'il puisse les saisir, ou même les palper.

Impossible de les analyser pour savoir qui est là. Depuis quand ça ne lui est pas arrivé ? Est-ce que ça lui est déjà arrivé ? Terreur. Il a toujours réussi. Toujours su qui était là, qui était hostile, qui était protecteur, qui était incertain. Inquiétude. Angoisse. Il s'oblige à éveiller un peu ses sens, pour pouvoir regarder. Le visiteur cesse de bouger. Stuart ajuste le réglage de ses perceptions. Blême, affolé et bras croisés, son petit frère le fixe. Visage crispé. Esprit insaisissable. Ondes tellement floues que Stuart n'arrive même pas à dire si elles sont aussi bouillonnantes qu'il le suppose. Les yeux de Patrick sont gorgés d'angoisse. Son âme... sûrement encore plus. Et à part ça ? Que pense-t-il ? Quels mots est-il en train de retenir ?

La pièce clignote comme un sapin de noël. Ou bien ce sont les yeux de Stuart qui battent. A nouveau, il fait la chasse aux souvenirs éparpillés. Cette fois, y arrive. Super-héros, mon cul... malgré son pouvoir, il s'est fait flinguer. Laser en pleine poitrine. Ferme les yeux. Honteux et épuisé.

La rue se gondole dans sa tête, comme si elle rigolait. Une rue souterraine, même pas dans le Losange. Un quartier d'affaires. Devant un bistrot fréquenté par des industriels et des banquiers. La dernière chose qu'il a vu avant le « plus rien » c'était une vieille dame en tailleur fluo qui enroulait un écran portable pour le remettre dans son sac. Qu'est-ce qui s'est passé ?

– T'as eu une sacrée veine... N'importe qui y serait resté.

Ouvre les yeux. Regarde Patrick comme si c'était un arbre, une porte ou un ballon de baudruche. De la chance ? Où ça ? Le petit frère est livide, ses yeux brillent vert et ses ondes bouillonnent. Stuart tente en vain de faire agir les siennes. Pas moyen. Trop faible.

– Les médecins se demandent comment tu as pu résister au rayon. Ils supposent qu'il était mal réglé. Sans ton pouvoir, tu y restais. Sûr de sûr.

– C'est pas normal... j'aurais même pas dû être touché.

Patrick hoche la tête. Il ne sait pas quoi répondre, ça se voit. En théorie, le champ protecteur de Stuart est suffisant pour dévier n'importe quoi. Il l'a déjà prouvé plusieurs fois. Pourtant, cette fois, il n'a pas suffi. Le bouclier invincible a été transpercé. Humiliation.

– Tu devais être fatigué.

Il aurait difficilement pu trouver plus con, mais c'est quand même gentil d'essayer de le rassurer. Stuart n'est pas dupe. La seule explication valable est que son pouvoir a faibli. Oui...en un sens, il est fatigué. Qu'est-ce qui se passe ? Il n'est pourtant pas une batterie se remplit et se vide. Il est...

– Kiona est avertie ?

Silence. Patrick ne dit rien. Se mord les lèvres, même. Puis se détourne.

– Je voudrais la voir.

– Ce n'est pas possible.

– Je VEUX la voir.

Et merde... après ça, il accusera encore son frère de se conduite comme un gosse capricieux quand il parle de Tanya. Il est en train de faire la même chose, en pire. Il y a sûrement une raison. Peut-être qu'elle a des formalités à s'occuper. Ou bien qu'elle est rentrée à la maison.

Regarde les perfusions sous la potence, au-dessus de lui. Sur son visage, un tuyau est collé, pour entrer dans son nez. Combien de temps il est resté dans les vapes ? Une fragrance qu'il ne parvient pas à identifier, se mêle aux odeurs médicales. Subtile mais désagréable. Synthétique au possible. Ferme les yeux pour se souvenir. Elle lui rappelle le labo qu'il a visité avec l'oncle, l'an dernier.

– Elle a eu un malaise en venant te voir. On s'occupe d'elle dans un autre service. Reste tranquille. Tu vas aggraver ta blessure.

Le petit frère a les yeux fixés sur la cicatrice de Stuart. Sombre. Il doit être en train de penser, une fois encore, à ce jour où son pouvoir est parti en vrille. Stuart connaît ce regard sinistre. Chaque fois qu'il a fouillé la tête de Patrick pendant qu'il avait ces yeux-là, il a vu la même chose. La honte. La peur. Le rejet de cette nature qui est la leur. L'horreur de ce pouvoir fabuleux que les ancêtres leur ont confié. Il ne sait plus concentrer l'énergie. Pas en grandes quantités. Comment le pourrait-il, déstabilisé à ce point ?

Stuart voudrait lire dans les pensées de son frère ce qu'il ne lui dit pas. Rien à faire. Les ondes s'échappent comme du mercure. Mais Patrick a perçu les questions silencieuses. Ou bien devinées.

– Dors ! Elle va venir te voir sitôt qu'elle ira un peu mieux. Demain, je pense.

Kiona... encore une fois, il lui a fait de la peine. Fait peur. Il est un sale type, un pauvre mec. Les super-héros sont célibataires, tout le monde sait ça. Pour pas traumatiser leur femme sans arrêt.

– J'ai vraiment un boulot de merde, hein ?

Patrick ne répond pas. Stuart n'a pas le droit de parler de son métier autour de lui. Même à sa famille. Officiellement, il est sociologue rattaché aux services de police.

– Et c'est peu de le dire ! Mais ça te manquerait, de plus le faire, super-héros à la manque.

– Comment va Kiona ?

– En fait... je n'en sais rien. Elle a eu un gros choc, tu sais. Moi aussi, note bien. On t'a mis dans une cuve de soins léthargiques. Ces connards ne m'en ont pas prévenu. T'avais l'air d'un cadavre.

L'odeur qui ressemblait à celle du labo. C'était le fluide de léthargie. Méthode high-tech. Alpha n'aime pas perdre des agents. Mais ce n'est pas discret, ce machin rarissime et sophistiqué.

– Sérieux... faut que t'arrêtes tes conneries ! Me raconte pas tes histoires à la graisse de surhomme qui doit sauver le monde. Tu veux que ton gosse soit orphelin avant d'être né ?

Il a raison, le petit frère. Il n'aime pas les enfants, mais il a raison.

– Tu veux bien aller dire à Kiona que je suis réveillé ? Qu'elle sache que je vais mieux...

– Elle a été transportée d'urgence au secteur Maternité. Tanya a été admise à l'accompagner. Elle viendra nous dire quand ce sera fini. Comment ça s'est passé. Si le petit va bien. Tout ça, quoi.

Elle aussi, quand elle l'a vu dans la cuve, elle a pensé qu'il était mort... Stuart hésite entre lumière et obscurité. Détresse impuissante.

De l'autre côté de la vitre, la silhouette sombre rôde toujours. L'ombre d'Alpha veille sur la précieuse santé de l'agent blessé. Et Kiona ? Est-ce qu'ils peuvent faire quelque chose pour elle ? Est-ce qu'ils y ont seulement pensé ? Rassemblant toute son énergie, Stuart cherche celle de sa compagne. Tente d'y déceler les signes de son état. Patrick secoue la tête.

– Tu vas t'épuiser pour rien, Stuart. À quoi ça te servira de savoir ? Attends qu'on vienne te dire. Espèce de surhomme maniaque de tout contrôler... quand est-ce que tu apprendras à être humain ? Simplement ? À accepter ce qui t'échappe ?

Les mots du petit frère tombent dans le vide. Stuart sait très bien qu'il ne contrôle pas tout.

Ça, il peut le savoir, et il veut le savoir. Sauf qu'il n'a pas la force.

– Tu ferais mieux d'utiliser ton pouvoir de guérison, au lieu de vider ton énergie.

Il y a des jours où Patrick est affreusement de bon conseil. Stuart laisse retomber ses paupières. A des moments comme celui-là, il a envie de lui faire une cicatrice à la joue à lui aussi.

– Dors... et change de boulot. Ces conneries ne te vaudront jamais rien de bon. Ni à toi, ni à personne. C'est des mirages pires que ceux que je fais sur scène.

Stuart n'a pas réussi à percevoir quoi que ce soit mais il est certain que le bébé est mort. Des mirages... rien que des mirages... est-ce qu'il y a quelque chose de vrai quelque part ? Même Kiona, il n'est pas toujours sûr... pourtant, depuis qu'elle a appris à lire dans les pensées, entre eux c'est devenu plus fabuleux que tout. Mais c'est peut-être un mirage, ça aussi. Rien n'est vrai. Nulle part. Et surtout pas cette cochonnerie d'agence Alpha entièrement tissée de mensonges.

– Juste pour savoir... le Marionnettiste... ils l'ont eu ?

– Tu rigoles ? Pourquoi tu crois qu'il se fait appeler comme ça ? Il vous a possédés, encore une fois ! Pfff ! Et ça croit pouvoir sauver le monde ! Super-héros à la manque, va ! Tes collègues sont aussi naïfs que toi ? J'espère que non ! Ou bien on est rudement mal !

– Tu t'imagines que tu ferais mieux ?

– Non. Parce que c'est pas mon boulot. Mais la prochaine fois, frangin... souviens-toi que t'es prestidigitateur, bordel ! Montre-lui que tu sais mieux que lui disposer et tirer les ficelles sans qu'on te voie faire ! Faut toujours que tu fonces comme un chien dans un jeu de quilles ! Grand-Mère nous a pourtant assez répété que la patience... hé merde... c'est moi qui cause de patience ? Alors que j'en ai pas deux grammes ? Faut-y que tu m'aies foutu la trouille ! J'ai vraiment cru qu'ils t'avaient buté, tu sais ? Alors... refais un coup comme ça et je te casse en deux, pis je te colle à la super-glu dans un fauteuil roulant. Comme ça, tu feras plus de bêtises.

Avec son air buté de gosse capricieux, Patrick croise les bras. Sévère. Douloureux. Le pire, c'est qu'il a raison, ce petit con. Sur toute la ligne.

2017-12-25--pudding-cuiller---NBc

 

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Commentaires

RAT BUFFLE TIGRE

LIEVRE DRAGONSERPENT

CHEVAL CHEVRE SINGE

PHOENIX CHIEN SANGLIER

 

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