Arrivée en gare - 2

La voie magnétique n'est pas conçue pour des véhicules tels que les motovolantes. Malgré cela, hiver comme été, il s'y rue des troupeaux entiers de ces petits engins. Surtout en été. Les tempêtes y sont dangereuses mais celles d'hiver sont suicidaires et bien peu sont assez fous pour les affronter. Douze mois sur douze, on ramasse des cadavres et des débris de ferraille près de la gare magnétique. Ceux qui tombent le long du trajet restent là où ils se sont écrasés. Routine de l'entretient des piliers émetteurs.

Pin pon.

On ne voit pas souvent passer des ambulances dans le Losange. On n'en a pas l'habitude serait-il plus juste de dire. Depuis la disparition du Marionnettiste, le fait est moins rare. De temps à autre, les SU font une descente en nombre mais le plus souvent ils patrouillent pour assurer leurs positions. La reconquête a commencé. Les chevaliers en armure explorent le territoire, cherchent l'ennemi, puis l'attaquent dans ses fortins. Et le petit peuple inquiet observe le passage des soldats en espérant ne pas être pris dans les échauffourées.

Pin pon pin.

Accident de motovolante. Encore un. Celui-là n'était pas sur la voie magnétique, et ce n'était pas non plus un coyote. Ah tiens, ça change un peu. Un gars qui s'est écrasé contre un mur, à cause d'un déflecteur mal réglé. L'explosion lui a déchiqueté un bras et son casque a éclaté. S'il est du quartier, il a autant à crever tout de suite. Les débris humains ne survivent pas dans le Losange.

Bzzzz.

Il n'y a pas beaucoup de taxis qui osent desservir cette magnétogare. En général, les voyageurs la quittent par les voies de tramway ou attendent dans le motel si les trams sont coupés. Parfois, il y en a un qui se risque. En général parce qu'un client riche et pressé offre une belle somme. Étourdi, aussi. Les gens riches ne devraient pas se risquer si près d'un trou aussi pourri de misère et de crime. Ou bien voyeur, peut-être. On en a tellement parlé aux infos. Peut-être qu'ils ont envie de venir voir les fauves de près.

Klik. Krrr.

Dans le bureau, le client examine les photos de bateaux sur le mur. Surpris qu'on puisse naviguer dans la vieille zone portuaire. Il la croyait polluée, et trop proche des usines électriques. Ben oui, c'est pollué. Pour l'être, ça oui, ça l'est. Mais non, c'est pas interdit, et on a pas tant de loisirs dans le coin. Vieilles barques pour ceux qui en ont. Radeaux en bidons pour les autres. En été, du moins.

Tûûûtttt.

L'écran du visiophone n'est pas en panne. Il est éteint, c'est tout. Rien ne fonctionne, ici, sans quelques accords avec les truands. Ils ont besoin de la gare pour leurs marchandises. La gare a besoin d'eux pour écarter les voyous. La police le sait mais dans le Losange la Loi n'est pas chez elle. Seulement les bêtes féroces.

A côté de l'émetteur holographique, une vieille horloge mécanique laisse son coucou arrêté au bout de son perchoir. Le générique d'un feuilleton vient de laisser place à l'holospeaker speaker des infos. Apollon. Une réalisation récente du même créateur que Léda.

Ti. Titi. Taaaa. Ti. Ta. Ta.

Éthérée, cheveux ultramarine et visage bleu azur, armée d'une harpe dont elle vient de jouer pour signaler le début de l'émission, la silhouette synthétique se superpose aux lignes d'une cartographie progressive.