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Sinistre Disco Ball... 60  ans de dystopie psychologique
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C'est quoi ce truc ?
En un tout premier temps, Sinistre DiscoBall n'était qu'un pari idiot sur lequel je pensais me casser la figure avant d'avoir écrit le douzième du premier jet. En un second temps, il a été envisagé, sans trop y croire, de le publier en auto-édition numérique. En un troisième, envisagé de même mais sérieusement et assez follement. En un quatrième... nous y voici. Publication sur blog.Tout  simplement. 

Description du projet : ICI.
Complément à description : LA.

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5 avril 2021

2.5 > De la Honte à la Haine.

  Tigre de Métal

5 juin 2070

Peter.

Effondrée, en pleurs sur l'escalier qui zig-zague sur la paroi de l'immeuble abandonné, la grande sœur est tête nue, donc privée de son appareil radio et de ses jumelles infrarouges. C'est la première chose que note Peter en l'apercevant. Ce sont même ses cheveux roux qui l'ont aidé à localiser la source du cri qu'il a entendu. Éclatants dans la grisaille sombre du décor.

Le casque est en bas, dans la ruelle. La combinaison anti-laser est partiellement détachée. Le jeune homme réalise soudain que l'entrejambe est dégagé et que le sous-vêtement a été déchiré. Écœurante constatation qui lui jette dans la tête des questionnements encore plus horribles. Se hâte de l'aider à rajuster son équipement. Active son micro de casque pour dire qu'elle a été attaquée et qu'il l'emmène à l'écart. Ne donne aucun détail. Surtout pas. Dans le même temps, vérifie plusieurs fois les fixations. Examine toutes les salissures. Personne ne doit rien soupçonner. La voix du chef de patrouille ricane dans l'écouteur, le traitant de bleusaille facile à effrayer et lui expliquant qu'il va falloir qu'il s'endurcisse. Il finit quand même par demander si elle est blessée, avec la voix de celui qui sait déjà la réponse. Un ton qui veut dire que le petit nouveau, une fois de plus, l'énerve. Tout à l'heure, il ira encore protester pour qu'on ôte de son équipe ce gamin admis dans l'unité parce que son père et sa sœur sont de bons éléments.

Le jeune homme essaye de se ressaisir. C'est le moment d'être à la hauteur des six générations de policiers qui l'ont précédé, et de leur père, qui a été un des premiers « flics à laser ». Blessée ? Non, elle semble pas. Juste en état de choc. La voix grogne qu'elle aussi, elle est trop fragile, mais sur un ton différent. Se tait un instant. Réfléchit, sans doute. Enfin, très sombrement, ajoute que le suspect s'est échappé par les airs et qu'on rejoint le groupe 7 pour fouiller l'entrepôt.

Pas moyen de tirer deux mots à la grande sœur sur ce qui est arrivé. À part ça, oui, elle semble aller bien. Aucune blessure visible et hargneuse comme un chien enragé. Elle ne veut pas qu'on la tienne à l'écart. En la voyant, le chef est pourtant d'accord pour qu'elle quitte le terrain. Trop nerveuse. Les SU ne peuvent pas se permettre de manquer de sang-froid. Peter reçoit ordre de la ramener et de la confier aux services médicaux. Elle proteste. Elle n'est pas blessée, elle veut rester. Là-dessus, quelqu'un fait la remarque qu'elle a utilisé son laser. Aussitôt, le chef veut savoir sur qui elle a tiré.

À nouveau, elle se bloque. N'arrive plus à parler.

Cette fois, c'est sûr, il faut la ramener.

Elle s'installe sans un mot dans le véhicule de transport. Il est quasiment vide. Eux deux, et trois autres qui emmènent deux types qu'on a arrêtés. De la piétaille. Des mecs connus depuis longtemps comme faisant toutes sortes de petits boulots pas trop risqués. Des camés bossant pour l'un des nouveaux marchands de kerag. Un de ceux qui tentent de prendre le marché libéré par la disparition du Marionnettiste. Des gars sans intérêt.

D'ailleurs, pour le moment, rien n'a d'intérêt, pour Peter, sauf la grande sœur. Elle s'est remise à pleurer et évite de le regarder. Il n'ose rien dire. Pas devant les autres. Pas devant ces loubards qui bossent sûrement pour le salaud qui l'a agressée, surtout.

Peut-être qu'il vaudrait mieux ne rien dire du tout, mais dans sa tête passe en boucle un abominable porno qui lui donne envie de vomir toutes les cartouches de son laser. Sur ce salaud. Sur elle. Sur lui-même. Sur n'importe quoi. Pour se calmer, il se répète de penser d'abord à elle et plus tard à son agresseur. Rien à faire. Il a beau la regarder trembler, l'écœurement et la rage viennent les premiers.

En longeant les couloirs de l'infirmerie, il se décide enfin.

– Le gars qui t'a attaquée... qui t'a défait ta tenue... est-ce qu'il t'a...

Non. Il ne peut pas aller jusqu'au bout de la question.

Sarah s'arrête de marcher. Se fige un moment, tête baissée, comme elle a été dans la navette. Puis redresse la tête et le toise avec une dureté défensive.

Dans ses yeux, Peter lit qu'il aurait dû se taire.

Un instant, il a l'impression qu'elle va répondre avec les poings, mais elle baisse les yeux et se détourne en répondant avec une voix de fantôme.

– Il n'a pas sorti sa chose de son froc, si c'est ce que tu veux savoir.

Sur quoi, elle se rue dans la pièce où il lui faudra affronter un médecin, ses tripotages et ses questions. Dans la tête de Peter, les images se laissent estomper par la fermeté dans la voix de la grande sœur. Les mains du salaud s'attardent encore sous son crâne et dans la combinaison sombre. L'essentiel, c'est qu'elle a réussi à le mettre en fuite avant qu'il soit parvenu à ses fins.

Elle ne dira rien de plus, et le jeune policier n'est pas sûr de vouloir savoir.

Si l'incident se sait, toute l'unité sera éclaboussée. Ils sont supposés être les meilleurs. Aussi invincibles que dévoués à leur fonction.

Il traîne les pieds jusqu'au vestiaire. La carapace de surhomme sur son dos lui pèse plus lourd que si le système de multiplication des forces était en panne. Il se change, heureux d'être seul dans la pièce, et enfourne son équipement dans son casier sans le ranger. Sur son téléphone perso, un petit signal en fleur annonce que Daisy a laissé un message. Lui parler est toujours réconfortant, mais cette fois-ci, elle est bien la dernière à qui il a envie de raconter ses soucis. À part le psy du service, il ne voit pas à qui il pourrait le faire, et même lui, c'est hors de question. L'an dernier, il racontait encore ses gros ennuis à un petit singe en peluche. Sort fébrilement l'étui à cigarettes de sa poche. A vingt-deux ans, il faut savoir se passer de doudou, quand même. La petite boite est décorée de fleurs bleues. Elle appartenait à leur mère, qui a cessé de s'en servir quand Sarah s'est annoncée. Daisy trouve ça mignon, qu'il l'ait récupérée. Faudra tout de même qu'il en trouve une autre, parce que celle-là, il passe son temps à trembler que quelqu'un la trouve.

Un quidam de l'entretien venu examiner les armures, lui annonce qu'on attend la visite d'un représentant du KEY, pour des améliorations au niveau de la visière des casques. Il s'en fout et quitte les lieux vite fait.

Le fumoir est occupé par trois copains trop joyeux à son goût. Il monte en griller une sur la terrasse. C'est interdit, à cause des traces graisseuses que laissent les navettes et les motos volantes quand on les répare. Tant pis pour la sécurité incendie. D'ailleurs, le Central peut brûler, il s'en fout. Cette cochonnerie de ville, c'est une des premières où on a installé une unité SU. En ce temps-là, les gens y croyaient. À l'évidence, ça n'a pas empêché son état d'empirer, et l'arrestation du Marionnettiste n'a fait qu'augmenter l'insécurité ambiante. C'est devenu une fourmilière de petits caïds.

Celui qui a agressé Sarah est-il un de ces petits coqs qui veulent tous être le plus haut perché ? Ou un vulgaire homme de main ? Voire un banal voyou de passage au mauvais endroit ?

Elle lui a tiré dessus. Deux cartouches d'énergie ont été vidées. Le laser était réglé courte distance. Quatre tirs, au moins. Est-ce qu'elle l'a touché ? Il n'a pas eu la présence d'esprit de regarder s'il y avait des traces de sang, ou des signes que quelqu'un ait trébuché.

Après tout, ce type a beau s'être enfui en volant une moto, il est peut-être déjà mort.

Ces engins-là ne se pilotent pas comme des trottinettes.

L'image réjouissante du salaud dégringolant de son engin pour s'écrabouiller en bas des immeubles vient rafraîchir le cerveau bouillonnant de rage. Splaaasch... Une purée de chair sanglante sur le goudron. Bien fait pour lui.

Peter savoure cette idée avec délice. Elle n'est pas improbable. Évidemment, pas certaine non plus. Il ne sait même pas si le gars est blessé. Sarah vise bien, donc c'est possible. Vu les circonstances, elle peut quand même l'avoir loupé ou à peine touché.

De tout ça, on ne saura rien. Même s'il s'est écrasé quelque part et qu'on retrouve le corps, on ne saura pas non plus. Ça fera juste un cadavre difficile à ramasser et impossible à identifier.

Frustrant, mais évident. Y'a rien à faire. Ce foutu secteur est pire que la Préhistoire.

Daisy vient s'immiscer dans ses pensées. Elle lui tend des perches d'un kilomètre pour qu'il la déshabille. Hier, en lui expliquant le besoin d'attendre, il était sûr de lui. Tout à coup, il se rend compte que si les copains se rendent compte qu'il est puceau, il va définitivement être étiqueté « gamin ». Hé merde... Il ne va quand même pas se sentir coupable d'être dans le droit chemin ?

Tenté d'une deuxième, il reste en arrêt devant le reflet de ses yeux dans le couvercle de l'étui. Ceux de leur mère.

 

2020-03--bol

 

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Commentaires

RAT BUFFLE TIGRE

LIEVRE DRAGONSERPENT

CHEVAL CHEVRE SINGE

PHOENIX CHIEN SANGLIER

 

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