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Sinistre Disco Ball... 60  ans de dystopie psychologique
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C'est quoi ce truc ?
En un tout premier temps, Sinistre DiscoBall n'était qu'un pari idiot sur lequel je pensais me casser la figure avant d'avoir écrit le douzième du premier jet. En un second temps, il a été envisagé, sans trop y croire, de le publier en auto-édition numérique. En un troisième, envisagé de même mais sérieusement et assez follement. En un quatrième... nous y voici. Publication sur blog.Tout  simplement. 

Description du projet : ICI.
Complément à description : LA.

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24 mai 2021

2.9 >>> Hyènes et chevaux

  Tigre de Métal

août 2070

Roberto.

 

C'est fou, ce qu'il a changé en six mois ce mioche.

D'abord, y'a ses cheveux. Les belles bouclettes soyeuses ont disparu. Il se rase la tête, comme font tous les petits durs qui n'ont pas envie de s'embêter à savoir si c'est coupé correctement. Ensuite, y'a le maquillage. Fini le rouge à lèvres rose. Il dessine des rayures bleues, noires, rouges en désordre sur son visage, selon son humeur du jour. Ça aussi, c'est ce que font tous les petits gros durs. Plus malin que d'autres, il n'hésite pas à en barbouiller même sur son crâne. Il a raison. Faire ça seulement devant et laisser la peau propre derrière, c'est ridicule. Au moins, comme ça, il a l'air de quelque chose. De quoi ? Impossible à dire. Mais il est maquillé entièrement. Il loupe pas son look.

Parfois, quand même, il se lave et se recolle des étoiles sur les lèvres. C'est comme ça qu'il est moins maigre que ses copains. On vole plus facilement de la ferraille ou de l'électronique que de la bouffe, par ici. C'est pour ça qu'il n'y a ni chiens ni chats errants dans les rues.

Terry s'approche du comptoir en faisant rouler les épaulettes de son blouson et cliquailler la chaîne accrochée à sa ceinture. Il commande un pseudojus agrumes et y jette un comprimé de kerag. Deux filles accoudées là bavardent avec lui. Il sirote son truc et le partage avec elles. L'une des deux est une vieille connaissance pour Roberto. Une très vieille. Elle était jeunette quand elle a commencé à hanter la magnétogare. Elle a encore du temps avant d'être vieille, mais on voit qu'elle commence à fatiguer au coin des yeux. On la voit souvent avec le gamin. Elle le paye pour qu'il assure un minimum de sécurité aux filles qui bossent avec elle. Il n'a pas de laser, mais pour ce genre de job, le couteau, la chaîne et les poings suffisent amplement.

Roberto laisse glisser une goutte de café entre ses lèvres. Encore un qui se transforme en monstre. Encore un qui a compris que s'il ne devenait pas un ogre, c'est lui qui serait mangé. La peur est un poison violent. Une gangrène rapide.

Une demi-douzaine de jeunes maquillés de traces informes entre dans le bar et s'assied près de la porte. Le gamin colle un patin à chacune des deux filles, échange encore quelques rires avec elles et va rejoindre ses potes et potesses. Il frime à montrer qu'il plaît aux filles à tronche humaine, mais parfois se cajole avec l'un ou l'autre copain dans un coin d'ombre. Pas de préférences, et guère plus de morale.

En manque d'affection, comme tous ses semblables. Féroce de solitude. Encore plus avide de sourires que de kerag. Affamé de gentillesse encore plus que de nourriture.

Les mioches des rues, ordinairement, on les appelle des coyotes. Ceux-là, avec leur gueule bleuie, noircie, blanchie, rougie, qui ne ressemble plus à rien, on les appelle des hyènes.

Ils sont féroces, surtout en bande. Destructeurs au possible, par simple plaisir ou pour se faire quelques sous. Ils sont le niveau zéro de l'homme de main. Quelques autres passent la porte et viennent les rejoindre. Roberto en compte maintenant une quinzaine. Le gérant de la Baleine Bleue ne semble pas enchanté de cette fréquentation. On ne peut pas lui donner tort. S'il y en a un qui se chamaille avec un client, ou bien si une autre bande rapplique, ça peut finir en massacre. Il quitte son comptoir et fait signe à la chanteuse blonde de descendre de scène rapidement. Malgré sa surdité, Roberto est prêt à parier qu'elle termine son couplet, mais pas sa chanson. La voilà en train de téléphoner.

Ici, quand les emmerdes s'annoncent, ce n'est pas la police qu'on fait venir, mais les truands. Près de la porte, les petits jeunes sont plutôt tranquilles. Roberto compte neuf mecs et six filles, mais avec le look androgyne de ces adolescents mal poussés, ce n'est pas toujours facile de dire. Si ça tombe, celle avec des épaulettes cloutées, c'est un mec. Et le gars avec un ceinturon à poches, ça pourrait être une fille.

Tout à l'heure, Terry avait l'air d'un gamin de quinze ans trop grand et trop maigre. Maintenant, au milieu de ses copains, il peut presque sembler beau. Une des filles lui fait de l’œil. Il ne s'en aperçoit pas. Il en regarde une autre. Un de ses potes le bouffe des yeux. Un castagneur avec une collection de petits couteaux sur la cuisse droite une navaja sur la gauche, des poings cloutés et une énorme balafre qui lui traverse la joue gauche et les lèvres. Moche, mais de toute façon la troupe entière est d'une laideur cauchemardesque.

Le gérant va et vient nerveusement entre le barman, les serveuses, les tables... il surveille la porte avec la discrétion d'un rhinocéros fonçant sur un papillon. Tout ça pour cette troupe de gamins qui carbure à un verre pour deux. Pseudojus non énergisé. Bas de gamme. Saveur douteuse et pas le moindre effet requinquant, mais c'est moins cher que l'eau minérale. Roberto n'a pas lu sur leurs lèvres quand ils ont commandé, mais il connaît les habitudes de ces ados entre misère et révolte.

La haute silhouette d'Alex-Pique se profile derrière la vitre. La belle gueule de Roch-Tête-Rouge passe la porte.

Roberto laisse glisser une goutte de café entre ses lèvres. Il a fait des folies, aujourd'hui. Il a pris du vrai, pas du simili dégueu. C'est grâce à Pique qu'on a ça. Son pote dépense pour en mettre plein les mirettes aux gens, lui préfère s'en coller plein les papilles. Résultat, le patron s'est procuré du café, et certains jours il a même des biscuits pas mauvais. En savourant l'arôme, le retraité observe deux silhouettes derrière la vitrine et détaille les arrivants qui ouvrent la porte. Le baraqué a encore mauvaise mine, mais il ne porte plus le bras en écharpe. Sa blessure se remet. Le freluquet fait briller les paillettes d'un blouson abusivement rouge et se campe devant les mioches. Alex le tire en arrière au moment où il ouvre la bouche.

– T'avais pas besoin d'un gars pour la sécurité, Roch ?

– Tu vas pas engager un de ceux-là ?

– S'il savent se tenir, je vois pas pourquoi on le ferait pas.

Terminé. Pique se dirige vers la table qui leur sert de QG, à Roch et lui. Son pote foudroie les mômes du regard et le suit.

– Tu deviens maboul ?

– Y'as pas si vieux, on était dans la même galère qu'eux.

Roberto respire son café en souriant. Il y a des jours où Pique lui est vraiment sympathique. Évidemment, il n'en fait pas une habitude. C'est tout de même un tueur, ce mec.

La voie magnétique supérieure est en réfection. Il y a eu deux émetteurs amochés par les tempêtes, cet été. Du coup, les voyageurs sont obligés de la quitter pour les voies de second ordre. Certains en profitent pour faire une halte. Les malheureux ! Ils s'offrent en proie à toute la faune de cette gigantesque cour des miracles. On a beau faire passer des annonces sur les panneaux de la magnétogare, rien n'y fait. Tous les jours, il y a des imbéciles qui prennent le risque de venir se balader dans le recoin le plus dangereux du « losange crado ».

C'est un bon coin, à côté de la magnétogare. Depuis la fin du Marionnettiste, le Losange s'est morcelé entre gangs, chacun avec son petit territoire. Pique n'a pas essayé de s'emparer d'un gros morceau. Il a préféré le meilleur emplacement, et se concentrer sur sa prise en main plutôt que d'en étendre la surface. Il passe beaucoup d'accords avec les bandes voisines, et ça lui évite d'avoir à gérer des querelles de frontières. Le seul autre secteur qu'il a essayé de contrôler, c'est le détritus des vieilles usines, mais il y a renoncé parce que des rumeurs assurent que c'est rempli de fantômes et que les loubards étant parfois superstitieux, ses troupes ont peur d'aller là-bas. Ils feraient mieux d'avoir peur des émanations toxiques qu'on y trouve dans tous les pans de mur ! De toute façon, aucun autre gang n'essayera de prendre possession de ce territoire. Il s'intéresse aussi aux usines hydroélectriques, à ce qu'on raconte, mais là, c'est parce qu'il y avait cinq gangs qui se le disputaient et que laisser cet endroit stratégique au centre d'une guerre, c'était dangereux. Finalement, il a juste pris position et soutenu un des clans. Les affrontements ne sont pas terminés, mais ça ne tardera sans doute plus beaucoup.

Ici, à côté de la gare, Pique et son pote essayent de maintenir un peu d'ordre. Si on dévalise trop de paumés, cela va attirer des patrouilles SU, et ce sera mauvais pour leurs affaires. Ils ne font que ce qu'ils peuvent. Les environs immédiats de la magnétogare sont le domaine des hyènes et autres petits voleurs. Une sorte de frontière s'est établie, un peu floue, mais parfaitement respectée. Chacun son territoire. Les petits détrousseurs n'ont aucun intérêt à fâcher Alex et Roch, qui de leur côté n'ont pas grand-chose à faire de ces gens qui ne font que passer et sont rarement des clients possibles.

Un hologramme s'élève au-dessus de l'écran d'Alex. Le visage de Roch s'illumine comme celui d'un enfant. L'image montre une femme et des chevaux.

– T'es génial ! Ils disent quand il est, son spectacle ?

– Hier.

– Oh non... C'est pas vrai !

– T'aurais pas eu assez pour emmener Alicia.

– Mais t'es assez malin pour m'avoir des places gratos.

Roublard, le Roch ! Alex ne répond pas. Il éteint l'hologramme.

– J'suis sûr qu'elle aurait aimé ça, Ally.

– Tu lui as demandé ?

– J'suis sûr.

Le baraqué ne semble pas convaincu.

Près de la porte, les gamins sont un peu plus agités. Le gérant vient timidement glisser quelques mots aux deux truands. Pique esquisse de la main un geste vague, puis hoche la tête en direction de Roch, qui se lève et marche vers les petits fauteurs de trouble.

– On s'entend plus, les mômes. Mon pote veut bien engager un de vous, mais moi je bosse pas avec des gosses qui braillent sans arrêt.

Silence.

Le freluquet les dévisage l'un après l'autre, puis leur fait signe de se lever. Bien qu'il soit plutôt grand, plusieurs le dépassent. Il tire le plus petit hors du rang.

– Toi ! Tu sais manier quelle arme ? Navaja ? Shuriken ?

Roberto termine son café. Ces mioches ne possèdent pas souvent plus qu'un canif et leurs poings. Celui-là n'arbore qu'un bout de ferraille glissé dans sa ceinture et un canif dont la chaîne lui bat les guibolles.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Commentaires

RAT BUFFLE TIGRE

LIEVRE DRAGONSERPENT

CHEVAL CHEVRE SINGE

PHOENIX CHIEN SANGLIER

 

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