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Sinistre Disco Ball... 60  ans de dystopie psychologique
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C'est quoi ce truc ?
En un tout premier temps, Sinistre DiscoBall n'était qu'un pari idiot sur lequel je pensais me casser la figure avant d'avoir écrit le douzième du premier jet. En un second temps, il a été envisagé, sans trop y croire, de le publier en auto-édition numérique. En un troisième, envisagé de même mais sérieusement et assez follement. En un quatrième... nous y voici. Publication sur blog.Tout  simplement. 

Description du projet : ICI.
Complément à description : LA.

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11 octobre 2021

2.24 > Pique raconte des craques.

Année du Tigre de Métal.

16 décembre 2070.

Roberto.

Y se passe des choses bizarres, dans le quartier.

Et le feuilleton devient rudement passionnant.

Roberto trempe un sucre dans sa tasse de café et se le colle entre les lèvres. Il va l’écraser doucement jusqu’à ce qu’il éclate en petits grains parfumés. À quelques pas de lui, Roch vient de quitter la table où il discutait avec Alex. Énervé à mort, le petit jeune. Alex, placide comme pas deux, fait signe à une serveuse qui passe et lui demande un pseudojus citron-papaye. Elle est désolée. Il n’y en a plus. Il opte pour cactus-rose.

L’associé du tatoué ne décolère pas. Il y a trois jours, Alex s’est vanté d’avoir violé une femme flic. Faut pas s’étonner si les SU patrouillent plus que jamais. Ce qui est bizarre, c’est qu’ils n’ont pas encore essayé de lui mettre le grappin dessus. Il y a assez peu de chances que la simili-barricade élevée par le patron de la Baleine Bleue devant la vitrine de son établissement y soit pour quelque chose. Un autre truc pas normal : Alex, depuis qu’il est revenu, après son arrestation, y’a bien deux mois, on l’a plus trop vu dans ce repère de pies bavardes. Y se méfie, c’est net. Juste pour le concours de danse, il est venu, et il a pas traînaillé. Pourquoi il s’est ramené ici pour claironner ça ?

Ça tient pas plus debout qu’un ivrogne sur du verglas, cette salade.

En plus, Alex, c’est ni un bavard, ni un fanfaron. Il cause pas pour faire le mariolle, d’habitude. Y’a sûrement une raison pour qu’il ait inventé une pareille couleuvre. L’ennui, c’est qu’elle est aussi peu facile à comprendre qu’une grille de mots croisés force 10.

Ce qui est certain, c’est que Roch, il y croit, à ce bobard, et qu’y a pas que lui. Tout le Losange fonce dans le panneau comme un seul homme. La couleuvre est avalée par toutes les bouches, recrachée autant de fois grossie du double, et encore avalée. Elle enfle à vue d’œil et d’ici la fin de la semaine sera devenue un anaconda. De la manière que c’est parti, Alex aura bientôt baisé tous les flics du secteur ! Le plus marrant, c’est qu’on l’admire d’avoir fait ça. À l’évidence, tout le quartier est ravi de cet exploit peu héroïque. Cette fois, c’est sûr et certain, l’héritier du Marionnettiste, c’est lui. Tous les voyous espèrent bosser pour lui. Tous les truands un peu vieux viennent le trouver pour négocier qu’il les prenne comme sous-traitants. Les gens honnêtes ou fatigués de ne pas l’être murmurent entre eux et rêvent qu’il aura assez de poigne pour mettre fin aux luttes sanglantes et incessantes.

Pour le moment, le démon avec qui tout le quartier veut signer un pacte semble abattu. Triste comme un arbre mort, il ressemble au gamin qui mendiait autrefois près de la magnétogare, et se planquait dans les hangars. Mi-pensif, mi-nerveux, il joue avec sa paille et contemple son verre d’un œil sinistre. Une fille s’approche, tentant de le dérider. Il la renvoie. Elle revient à l’assaut, amenant un de ses confrères masculins. Il grogne. Derrière son bar, le patron surveille. C’est sûrement lui qui les a envoyés, avec ordre d’aider « Pique » à évacuer sa morosité.

Paraît qu’au Tonneau Endiablé, où le géant a désormais ses habitudes, y’a une vieille mémé racornie au lieu d’un faux mastard avec des biscottos en mauvais silicone. Et que la prostitution y est un peu plus discrète. C’est un coin presque chic, à ce qu’on raconte. Mais le Tonneau, c’est aussi des importateurs de bouffe, et ils alimentent une trentaine de petites boutiques à faire survivre les gens. Leur bistrot n’est sûrement pas rentable, mais leur sert de QG d’entreprise.

Elle a raison, cette vieille. S’entendre avec Pique, ça peut attirer des ennuis avec la police, mais c’est un bon moyen d’impressionner la concurrence et convaincre la clientèle que si un malotrus essaye de les racketter, il trouvera à qui parler.

Roberto avale une gorgée de café. Le géant vient de sortir son téléphone, où clignote le voyant d’appel. Il le porte à son oreille. Donc, une communication vocale. Son visage s’éclaire.

Roberto suit de son mieux les lèvres qui remuent à peine et se terrent dans l’ombre. Il ne parvient pas à deviner les mots, mais il est certain qu’il ne s’agit pas d’une histoire de kerag. Avant de raccrocher, Alex a fait en sorte que son interlocuteur entende un bruit de baiser.

Rapide coup d’œil sur l’heure qui passe. Le feuilleton à l’eau de rose doit être terminé. La femme de Roberto doit avoir mis le repas au four, et s’installer devant sa quotidienne émission de potins people. Ces temps-ci, il a souvent été question d’Olivier Matyald. C’est pas varié. Z'ont pas une petite starlette mignonne à montrer, plutôt que ce milliardaire plus musclé que deux turcs ? Sûr de sûr, ce gros malin le fait exprès d’être paparazzié toutes les semaines. D’abord, Pique serait plus chouette que lui sur les photos. Y sont nuls, ces journaleux.

En fait, ils le savent qu’Olivier Matyald est aussi moche qu’il vaudrait être beau. Cent fois trop de bidoche sur les épaules pour sa petite tronche où le nez et les arcades sourcilières sont refaits. Bon mannequin pour ses fringues haute couture, et belle allure quand il marche. Mais pas capable de répondre à une interview sans se rengorger à chaque fois qu'il termine une phrase, et lâcher à ce moment-là une série de tics qui donnent l'impression qu'on lui électrocute le visage. Seulement, c’est un énergumène fournisseur de rumeurs croustillantes et néanmoins variées. Régulièrement, ils s’arrangent pour choper des images du gugusse en compagnie de son frère. Hughes Matyald est cent fois plus discret, mais très élégant et les papoteurs arrivent à le décrire comme mystérieux. Contre lui, c’est pas certain que Pique gagnerait un concours de photos qui claquent bien dans les mirettes. Mais Olivier… pouah ! Et pourtant, les gens ont l’air de l’apprécier, ce guignol.

La chanteuse blonde remonte sur scène, et Roch revient vers son pote. À peine calmé, le petit chien hargneux s’excuse vaguement en ajoutant tout de suite que « c’est ta faute » et que « si tu pensais pas tes couilles ». Essaye de rapetasser, s’embrouille dans ses tentatives d’explications, s’arrache les cheveux. Alex le coupe. Lui dit de ne pas se fatiguer. Il n’a pas envie de changer d’associé. Il est tout à fait d’accord sur le fait qu’il a agi comme un con, mais maintenant, c’est fait et il est trop tard pour revenir en arrière. Roch le traite d’obsédé. Alex sourit et répond que lui, au moins, ne fait pas de scènes de jalousie avec tarte en option. Ça, c’est bien envoyé. Roch a envie de riposter, mais il n’ose pas. Il y a deux semaines, sa copine a eu un cocard qui l’a empêchée d’affronter les projecteurs pendant trois jours. Le patron du bar a réclamé dédommagement, forcément. Alors que le géant vient de se lever, Roch lui demande comment ça s’est passé, avec la flic.

— T’aurais pas voulu y être, tant que t’y es ?

Sur quoi le petit chieur accuse d’avoir tout inventé.

Enfin un qui se se pose la question. C’est pas trop tôt.

— Y’a des flics plein dehors. Tu vas en trouver un, et tu l’interroges. C’était y’a six jours, dans l’après-midi.

— T’es rudement pas difficile. Il a neigé des tonnes, ce jour-là.

— Justement. Faut se tenir chaud. Fous-moi la paix. J’ai un rendez-vous.

— Je vais avec toi.

— J’ai dit que je venais seul.

— Tu deviens con ? C’est pas le moment de te trimballer sans personne pour assurer tes arrières. Je me montre pas, si t’as dit que t’étais seul, mais je viens.

Là, le petit freluquet, il a pas tort. Sauf que ces derniers jours, les flics ont plus d’une occasion d’arrêter Alex, et qu’ils en ont pas encore fait mine. Ils attendent quelque chose, c’est sûr. Est-ce que par hasard, ça serait de le surprendre avec sa copine ?

— J’ai pas besoin de nounou. J’y vais seul. D’ailleurs, t’as un œil qui lorgne vers le mec au blouson vert et jaune, juste devant la scène.

C’est vrai, que le beau teigneux, il garde une prunelle sur sa blonde, mais c’est clair aussi que son pote cherche uniquement à le convaincre de rester ici. Voilà-t-y pas que le tatoué dégaine son téléphone, à nouveau clignotant ? Il regarde l’écran, mais ne prend pas l’appel. Sûr de sûr, le coup de fil qu’il a reçu, c’est quelqu’un qu’il ne veut pas présenter à son associé. Roberto repense au bisou déposé devant le micro de l’appareil et rigole en sourdine dans sa moustache. Si le feuilleton va dans le sens qu’il imagine, ça devient drôlement pimenté. Pendant ce temps, Roch grimace, tandis que le type s’exorbite les pupilles pour les écraser sur les nichons de la chanteuse.

— C’est celui qui a offert un bracelet à Alicia et qui lui envoie des fleurs.

— Elle t’a dit qu’elle veut pas de lui, alors fais pas ta brute.

— Si tu parles de l’autre fois, j’ai qu’un regret : j’ai réagi trop vite. Si j’avais été malin, j’aurais pu les choper en plein, et sur lui, je me serais pas contenté d’une baffe.

— T’as du pot qu’elle te trouve mignon quand tu es jaloux, et prestigieux quand tu te mets en colère ! Mais… en fais pas trop. Elle pourrait se lasser.

— Et je fais quoi, alors ?

— Je sais pas, moi ! Si t’as pas encore une fois dépensé tous tes sous, fais-lui le coup du dîner romantique. Et puis, pour changer des bijoux, emmène-la danser. Tu sais bien qu’elle adore ça.

Roch hausse les épaules. Soit il ne croit pas à la fidélité de sa copine, soit c’est l’intérêt d’une fleur entre deux verres qui lui échappe, soit il pense au concours, le mois dernier. Où sa dulcinée a gambillé avec son pote, pendant que lui faisait le spectateur. Z'ont pas gagné, et de loin, mais c’est parce qu’Alex était blessé. Il est bon danseur, et la petite aussi, pis z'étaient bien synchrones. C’est dommage. Feront mieux le prochain coup. Pour le moment, le géant a gardé son téléphone à la main et y jette des regards furtifs. Il semble pressé d’écouter le message.

— Tu t’améliores pas. Je danse pire qu’un manche à balai. Et pis, qu’est-ce qu’un mec qui préfère les filles masculines le matin et les gars efféminés le soir peut comprendre à une nana comme elle ? La seule chose dont je suis certain, c’est qu’elle est pas dans tes critères et le sera jamais.

Le géant s’en fout. Il n’écoute pas. Yeux rivés sur son téléphone, il rengaine ses conseils de séduction et se sauve presque en courant, direction la porte de devant. Il n’a décidément pas l’air de se soucier des flics qui patrouillent et vont immédiatement le repérer.

À peine dehors, l’épaisse silhouette porte l’engin à son oreille, en le tenant à deux mains comme pour interdire aux passants de lui voler le moindre son échappé.

Roberto remue les dernières gouttes au fond de sa tasse vide, en se demandant si son imagination est trop fertile. Si ce n’est pas le cas, ce petit jeune se lance dans une affaire où il va devoir tirer les ficelles mieux que le Marionnettiste.

 

 2020-03--velo-pancarte

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RAT BUFFLE TIGRE

LIEVRE DRAGONSERPENT

CHEVAL CHEVRE SINGE

PHOENIX CHIEN SANGLIER

 

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