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Sinistre Disco Ball... 60  ans de dystopie psychologique
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C'est quoi ce truc ?
En un tout premier temps, Sinistre DiscoBall n'était qu'un pari idiot sur lequel je pensais me casser la figure avant d'avoir écrit le douzième du premier jet. En un second temps, il a été envisagé, sans trop y croire, de le publier en auto-édition numérique. En un troisième, envisagé de même mais sérieusement et assez follement. En un quatrième... nous y voici. Publication sur blog.Tout  simplement. 

Description du projet : ICI.
Complément à description : LA.

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  Tigre de Métal

16 décembre 2070

 Alex-Pique.

Sous la météosphère qui crépite de surcharge, entre les deux grandes voies magnétiques et les cascades hydroélectriques, un vague losange s’étire comme une vilaine flaque crasseuse. Gigantesque immondice que la neige déguise en ville.

Perché au sommet d’un émetteur, Alex attend le magnétotram n° 322 et contemple l’épais coton qui blanchit toute cette saleté sans la faire disparaître. Au-delà du Losange, on trouve des quartiers un peu plus jolis, ou bien un peu moins moches. Ici et là, dans le lointain, les joyaux de la vraie ville. Les beaux endroits où tout brille. Les mirages qui font rêver les habitants de la Poubelle.

Au bout du téléphone, Sarah était pétrie d’angoisse pour lui. Et lui il a la trouille pour elle. Ce rendez-vous n’est pas raisonnable. Trop de danger humain. Et la météo en prime. Seulement, ils ont cessé d’être raisonnables.

Les émetteurs se couvrent de givre, malgré les circuits chauffants. On va sûrement interrompre la circulation cette nuit. Voilà enfin le tram de Sarah. Il remonte sur sa moto et dégringole de son observatoire, direction le quai. Un passant proteste que l’endroit n’est pas un parking. L’arrivée de Sarah, qui se jette dans ses bras, évite les discussions.

Le lieu se prête mal aux débordements d’affection. Elle s’assied derrière lui sans poser de question. Il décolle en tournant le dos aux quartiers dégueu et se pose bientôt sur la terrasse-parking d’un minuscule hôtel dans un secteur d’affaires. Un établissement pour voyageurs de commerce et petits cadres d’entreprise. Relativement au Losange : un palace. Pour ces gens : presque bon marché. Dans le hall, la tronche d’As de Pique et ses fringues de motard font frémir la demi-douzaine de clients qui papotaient sur les frasques d’Olivier Matyald et leurs éventuels effets sur les cours boursiers. Ils zappent à voix basse sur les bas-quartiers et les trafics qui s’y tiennent. Alex s’en fout. Malgré ses allures respectables, cet hôtel a souvent vu passer des employés du Marionnettiste et les patrons n’aimeraient pas que le bruit s’en répande. Il est facile de leur faire comprendre que la pègre a bonne mémoire, et c’est ce qu’Alex fait discrètement, en précisant qu’il paiera la chambre comptant. Les clients jettent des regards affolés en direction de l’individu patibulaire dont ils n’entendent pas les propos et chuchotent entre eux des suppositions. La patronne n’essaye même pas de négocier un départ et demande seulement « d’éviter de faire trop de bruit ». L’endroit a une solide gueule de respectabilité vertueuse. Son mari cherche rapidement où placer ce couple bizarre pour le tenir à l’écart du reste de la clientèle. Sarah est frigorifiée. Alex entrouvre son blouson pour la serrer contre son pull. On leur donne une carteclef. Comme l’hôtel est loin d’être bondé, ils sont seuls à leur étage. Les braves gens seront rassurés.

Sans doute pour que les autres clients ne s’inquiètent pas à leur passage, un employé les guide dans les couloirs. C’est amusant. Alex a l’impression d’être une star qu’on bichonne. Arrivé à la chambre, le zigue en uniforme androgyne file quelques explications sur ceci et cela. Aucune importance.

Pour Alex, la pièce ressemble à un palais, mais elle est sans doute très ordinaire. Par la fenêtre, on voit un panneau holographique sur un immeuble voisin. C’est l’heure du journal TV, avec Leda, la speakerine virtuelle n° 1 des sondages.

Gros plan sur un jouvenceau de riche naissance, membre très actif d’un groupe bien-pensant, qui beugle en comparant les bas-quartiers à Sodome et Gomorrhe. Le plus jeune fils de Kelly Navis, une femme d’affaires dont les cinq ex-maris naviguent tous dans la politique et la pire ennemie du clan Matyald.

Bang… ça n’a pas loupé, l’olibrius a réussi à déraper vers les trop puissants milliardaires, mais contre toute attente ce n’est pas pour incendier Olivier et ses histoires de cul, mais la famille en son entier et leurs fréquentations écoloextrémistes. La jeune Élise, notamment, qu’il accuse ouvertement d’être terramaterrienne. Oulàààà… et c’est sur une chaîne appartenant aux Matyald, que ça passe ? Des millions de gens doivent être en train de se bidonner devant leur écran !

Tout de même : ça ne dure pas, et Léda revient commenter. Stupéfiant hologramme que son créateur a doté de tics gestuels gracieux et qui change de pigmentation capillaire selon la tonalité de ce qu’elle raconte. Rebondissant sur les propos du futur grand orateur, elle s’est mise en vert et commence à parler de réserve naturelle, mais glisse très vite au blanc, pour disserter d’un typhon qui menace une cité marine. Si elle passe par les besoins en énergie des météosphères, elle pourra élégamment virer au bleu turquoise pour finir en indigo avec quelques conseils de santé et sérénité. Quand il n’y a pas de flash urgent à crinière rouge, ça se termine toujours en papotage bienveillant.

La porte automatique se referme avec une petite musique douce. Enfin seuls. Alex laisse le fantôme aux cheveux d’argent causer avec les flocons de neige. Il s’empare des lèvres de Sarah et s’assied avec elle sur le lit. Elle est toute tendue.

— Ça n’a pas l’air d’aller très fort… on te fait encore des histoires ?

— Comment ça irait ? En fait d’histoire… tu te rends compte, à quel point tu te colles dans la merde, avec celle que tu racontes partout ? Tu veux finir avec un laser en pleine poire ?

Il ouvre le parka rouge qu’elle porte, glisse une main sous le pull marron, la deuxième dans les cheveux roux… insensiblement, il bascule la créature de rêve contre son buste.

— Malheureusement, ma petite braise, je ne suis pas certain qu’ils y aient cru assez fort pour ça… J’espère qu’on ne t’a pas suivie, sinon c’est toi qui es grillée.

— Les voies magnétiques vont geler cette nuit…

— Celles de niveau 4 et 5, à coup sûr. Et si la tempête se rapproche encore, ils risquent de fermer aussi les autres. Tu vas avoir du mal à rentrer, demain.

Le tramway circule sur les voies de niveau 4. Autour du Losange, les émetteurs sont mal entretenus, alors ça ne rouvrira pas avant que le danger soit terminé. Dans cette partie-ci de la ville, ça ira sans doute. C’est l’avantage des quartiers économiques. Les communications sont optimales.

Et puis, avec la tempête de glace qui est en train de passer un peu plus au sud, la météosphère sera peut-être amenée à sa puissance maximale, et ça implique d’éteindre les magnétovoies ainsi que les holoécrans des immeubles. Quand ils font ça, la mégapole devient toute noire. Même les beaux quartiers réapprennent ce qu’est l’obscurité.

— Rentrer…

— Ben oui, ma petite braise… rentrer.

— Réchauffe-moi.

Rester la nuit entière avec elle… délicieuse perspective ! Sauf qu’on va lui demander où elle était.

— J’ai dit à ma famille que j’allais chez une amie. Ne t’inquiète pas.

Elle bascule sur le lit en le tirant sur elle. Il se laisse faire et l’embrasse en se débarrassant de son blouson. La dépiaute de ses habits en ponctuant l’opération de petits baisers grondants déposés sur la peau mouchetée de rouille.

— Tu es toute tendue… toute dure de partout…

Il n’aime pas la voir comme ça. Il s’en veut. Il en veut encore plus aux flics qui n’ont peut-être pas gobé le mensonge. Lentement, doucement, il poursuit l’épine dorsale avec sa bouche, les reins avec tous ses doigts à la fois, puis la poitrine. Son excitation à lui monte en flèche, mais l’angoisse dans les yeux noisette est insupportable. Elle frissonne. Il soulève drap et couverture pour l’abriter, mais ce n’est pas le froid. Encore et encore, la caresse, partout et partout. Jusqu’à tuer cette nervosité qui la ronge. Ou l’endormir. Elle a un dos sublime, qu’il dévore pour se donner faim, se rendre fou.

— Décidément, t’es loin d’être aussi obsédé que tu le dis, mon nounours.

Une main s’arrête sur les fesses de Sarah. Moulé dans l’armure marron, le cul de déesse fournissait moult fantasmes. Depuis, ça n’a fait qu’empirer. Seulement, c’est une fille « bien », alors il n’a pas encore osé cette porte-là. De toute façon, elle est un peu habituée à ce qu’il la choque.

— Ah ? Tu crois ça ?

Le pantalon en cuir à doublure antilaser s’ouvre d’un coup. Le chasseur s’équipe avec un rugissement de lion affamé et attaque par-derrière. Elle lâche un petit cri, mais accepte l’assaut avec des volées de mots enflammés et en enfonçant ses doigts dans la tignasse du monstre. Quand elle lui dorlote le crâne, il rêve d’avoir des cheveux immenses. Une collection de suçons se dessine sur le cou délicat. Les grandes mains caressent tout ce qui peut l’être. Plus enragé de désir qu’il ne l’a jamais été, Alex se démène, mais débande plutôt rapidement. Le postérieur de la déesse l’a fait baver d’envie trop longtemps. C’est avec le souffle coupé par la douleur de ses côtes, qu’il se retire. Il se croyait pourtant guéri, par la magie de ces saletés de nanorobots. Fait semblant que tout va bien, et se tourne vers Sarah. Elle a un petit bout de grimace sur les lèvres et se hâte de le faire disparaître. Il la caresse un peu, puis enlève ses bottes, pour ôter son froc, tassé sur ses genoux.

Sur le mur d’en face, le panneau holographique présente un spectacle avec des chevaux et une jolie écuyère. Le vent d’hiver massacre la musique. La tignasse rousse se cale contre le cou épais. Les petits doigts jouent avec la barbe en pointe. Alex s’en veut. Elle a eu mal. Il le voit bien. En plus, ce que lui-même ressent, c’est de la frustration. Il se rend compte qu’il a besoin de ses yeux et de ses baisers. Son sexe a pris son pied, mais son cœur est resté sur sa faim. Drôle de sensation. Il a beau s’être fait depuis déjà un moment à l’idée qu’il est amoureux, il a du mal à comprendre. Il repense à tous les tripotages auxquels il s’est livré quand elle venait le voir au Tonneau Endiablé.

Qu’est-ce qu’il cherche ? Qu’est-ce qu’il veut d’elle ? Sa bite, il en connaissait le mode d’emploi avant qu’elle soit en état de servir. Avec les filles, il préfère toujours la petite porte. Aime aussi celle d’en haut. La grande, il déteste pas, mais ce n’est pas celle qui l’excite le plus. D’habitude. Cette fois… c’est pas pareil. Sarah, il a besoin de la regarder dans les yeux. Y’a un truc qui lui échappe. Plein de trucs, même. Par exemple pourquoi il couche avec elle. Elle lui plaît, d’accord, mais faut être fou. Pendant qu’il se déshabille, elle allume une cigarette. Il ne savait pas qu’elle fumait. Juste que parfois, ses cheveux en ont l’odeur froide.

— Je les pique à mon frère, de temps en temps, quand je suis nerveuse. Il ne s’en rend pas compte. Il fume énormément, alors une ou deux, il ne voit pas la différence.

— C’est interdit, de fumer ici. Et franchement… si tu veux de la nicotine, prends-la en pastille. Ces trucs laissent de la cendre partout.

L’an dernier, une magnétogare a dû être fermée trois mois à cause d’un incendie décenché par un drogué du tabac. Toute la station était bousillée et les émetteurs en panne. À présent, le moindre filet de fumée attire cinq fois plus d’hostilité qu’un flacon de kerag posé sur une table.

Sarah étouffe un juron, éteint sa clope et s’assied, tête posée sur les genoux.

— Toi, ma petite braise, tu as envie de pleurer…

— Y vont te buter ! Demain, après-demain…

Nu d’en bas, mais pas d’en haut, il la presse contre l’épaule de son pull chaud, mais usé et reprisé, l’embrasse dans les cheveux…

— Je vis avec la mort sur la tête depuis que je suis gosse, ma petite braise. Si je la voyais plus, elle me manquerait. T’en fais pas pour moi. Me faire descendre pour crime de jambes en l’air avec toi, ça sera la plus belle fin qui puisse m’arriver.

À nouveau elle se laisse tomber sur le lit en l’entraînant avec elle. Il caresse la toison rousse. Elle lui recommande la prudence d’une voix angoissée. On va peut-être mettre sa tête à prix.

— Toi, par contre… si on se rend compte que tu baises avec moi, tu vas perdre ton boulot. Peut-être même qu’on t’accusera de complicité. Et ça, je veux pas. Jamais. Et pis, t’inquiètes. Tu verrais comment c’est fameux pour mes affaires, cette histoire ! Pis ils t’ont pas interrogée, non ?

Il l’embrasse, envoie son pull et son t-shirt rejoindre le reste, remet sa capote, s’installe à un peu de distance d’elle, désigne son sexe dressé et s’allonge, ris en coin et jouant avec sa barbe. Elle sèche une larme, et se hâte de venir s’asseoir sur lui, avec un sourire encore teinté d’inquiétude.

Léda est revenue occuper le mur d’en face, programmée en cheveux rouges, pour présenter un flash-info urgent. Une carte derrière elle montre le secteur entre magnétoroute et zone des usines mortes. Cette tignasse écarlate et ce losange, c’est un signal « restez chez vous » adressé aux braves gens. Par le froid qu’il fait, l’hologramme aurait pu porter un bonnet. À moins d’avoir la cervelle cramée, qui irait se promener par une nuit pareille ?

Sarah jette un regard effrayé vers l’image et se met à geindre. Le point rouge sur la carte est juste sur le quartier où Alex et son associé gèrent leurs petites affaires. Impossible de comprendre ce que raconte Léda. Malgré la météosphère, le vent devient bruyant. Qu’est-ce qu’ils attendent pour augmenter la puissance ? Et éteindre tous les écrans ?

Le colosse se lève, déchiffre les indications obscures de cette saleté de fenêtre à opacité sur commande, et tapote l’un des codes proposés. La vitre prend l’aspect d’un miroir rose et mauve et une mélodie sirupeuse se déclenche. Intéressé, mais pas certain de supporter, il en tente un autre. Vert, avec fond sonore joyeux et dansant. A genoux sur le lit, la guerrière pleure comme une fontaine. Il l’emprisonne dans ses bras de géant. Elle crispe sur lui des ongles tremblants, qui font perler un peu de sang. Il la serre plus fort.

— Pense pas à demain, ma petite braise… pense pas à demain…

 

2019-04---gant--NB

 

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RAT BUFFLE TIGRE

LIEVRE DRAGONSERPENT

CHEVAL CHEVRE SINGE

PHOENIX CHIEN SANGLIER

 

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