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Sinistre Disco Ball... 60  ans de dystopie psychologique
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C'est quoi ce truc ?
En un tout premier temps, Sinistre DiscoBall n'était qu'un pari idiot sur lequel je pensais me casser la figure avant d'avoir écrit le douzième du premier jet. En un second temps, il a été envisagé, sans trop y croire, de le publier en auto-édition numérique. En un troisième, envisagé de même mais sérieusement et assez follement. En un quatrième... nous y voici. Publication sur blog.Tout  simplement. 

Description du projet : ICI.
Complément à description : LA.

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29 novembre 2021

2.28 > Gros nounours et petit coeur.

 Lièvre de Métal

février 2070

 Sarah.

Les bas-quartiers sont plus agités que jamais. Les pannes sur la voie magnétique, au début de l’hiver, ont perturbé tous les commerces, y compris les trafics illicites. Le prix du kerag a triplé. Entre le manque qui rend fous les malheureux n’ayant pas les moyens de suivre, et les bagarres entre concurrents, la situation est devenue telle que Peter a avoué hier à table espérer le retour d’Alex-Pique et de ses convoyeurs. Sarah n’a rien dit. Elle a regardé son assiette. Leur père a grogné qu’il ne fallait pas dire des choses pareilles et que ce genre d’individu ne valait pas la corde pour le pendre et encore moins la cuve de semi-léthargie pour l’enfermer à vie.

Mike a évoqué la méthode exigée par trois des ex-maris de Kelly Navis : prison à l’ancienne mode, avec fréquentes injections de kerag pour que la torpeur leur ôte jusqu’à l’envie de s’évader. C’est déjà employé dans les pénitenciers d’un bon nombre de mégapoles. Hughes Matyald s’y oppose avec une véhémence qui grimpe aussi vite que la quantité des politiciens réclamant cette peine. Là-dessus, Hope a argumenté que le kerag, légalement parlant, appartient au KEY. Il a été inventé dans un de leurs laboratoires pharmaceutiques. La production clandestine est immense, mais le brevet est encore ler propriété. En conséquence de quoi, Hughes Matyald détient tous les atouts du jeu. Joe a rectifié : presque tous ! Le gouvernement mondial a le droit de passer outre. Peter a conclu qu’aucun politicien évoluant à ce niveau n’oserait jamais prendre position là-dessus.

Sarah les a écoutés sans rien dire.

Alex est parti depuis presque un mois. Bien sûr, il n’a pas expliqué à Sarah son itinéraire ni précisé sa destination. Elle sait que le but du voyage est de ramener du kerag, mais n’a pas tenté d’obtenir des détails. Même pas sur la date du retour. Il lui a dit que ce serait peut-être long. L’hiver est foutrement mauvais. Aucune tempête de glace n’a atteint la mégapole des Lacs, mais plusieurs sont passées tout près. Les magnétovoies sont endommagées et leur usage hautement limité. Dans de telles conditions, était-il certain du chemin qu’il prendrait ? Nerveuse à plus d’un titre, Sarah attend son retour.

Avant-hier, elle a trouvé sur son téléphone un message enregistré. Très bref, mais d’une voix basse et un peu rauque qu’elle a tout de suite reconnue comme celle du gros ours pas méchant. « On se voit bientôt. Je t’aime. ». Il n’est pas loin. Peut-être déjà en ville ? Comment savoir ?

Peter a tenté de revenir sur les luttes entre gangs, les drogués en manque et les produits qui se bricolent ici et là et sont à peu près tous plus toxiques que le kerag. Joe perdait patience. Sentant la conversation devenir aigre, Mike l’a habilement déviée. Un de ses copains internautes lui a raconté qu’une course de motos volantes se prépare. Le trajet n’est pas encore connu, mais ce serait pour dans deux semaines. Hope a été très intéressée. Trop au goût de leur père qui a sèchement signalé qu’il s’agissait d’une manifestation non autorisée et susceptible de troubler l’ordre public. La petite sœur a tenté une nouvelle diversion, à thème people et très mal choisie. Elle aurait dû s’en douter. Olivier Matyald n’est pas l’individu à évoquer pour mettre Joe de bonne humeur.

Il faut dire que ça devient rudement scabreux, les aventures de ce mec pourri d’orgueil par un quotient intellectuel démesuré et la montagne de fric sur laquelle il est assis. Et pourtant assez banal. Juste quelques bastons à main nues, occasionnées par des colères phénoménales, des collections d’excès de vitesse, d’amants aux fréquentations suspectes, et des costards haute couture dont beaucoup ne sont portés qu’une seule fois. Même pas de drogue ni de port d’armes sans permis.

Voilà de quoi on a causé, hier à table. Rien de joyeux.

Ce matin, le cœur un peu chewing-gum et l’esprit englué, Sarah est assise dans la chambre des garçons et essaye de comprendre le roman qu’elle est venue chercher sous l’oreiller de Mike. Que faire d’autre ? À cause d’une entorse au poignet, on lui a dit de rester chez elle. Dans la chambre des filles, Hope fait beugler ses chanteurs favoris, sûrement très surprise que la grande sœur ne râle pas. Quand on sonne à la porte, elle pense d’abord à Mrs Jensens ou un des fils, mais en ouvrant, elle trouve un géant tout de noir vêtu, la tête serrée dans un bandana qui lui cache le front.

— Mon nounooouuurs !

Alex se laisse aspirer à l’intérieur, étrangler de baisers et accepte sans broncher les petits coups de poing larmoyants qu’elle lui envoie dans le ventre en le traitant de tous les noms pour être parti si longtemps. Quand elle se calme, il l’embrasse doucement en expliquant qu’il ne peut pas rester.

— C’est dangereux, tu comprends…

Il a l’air épuisé, et son blouson est encore couvert de cette crasse qui s’accumule sur les motards et leurs engins quand ils empruntent la voie magnétique. Un espace de déplacement qui n’est pas fait pour eux, et où ils risquent leurs os, mais qui permet des vitesses hallucinantes.

— Tu peux quand même prendre un café ?

Doucement et les yeux un peu dans le vide, il caresse le pull-over gris perle de Sarah, puis ses hanches. Pensif et fatigué, il ne répond pas. Elle en profite pour le tirer vers la cuisine.

Elle sort des tasses. Il l’embrasse dans le cou en se collant derrière elle. Elle tâtonne sur le cuir noir. Dans la chambre, la radio hurle une romance. Hope n’entendra rien.

— Tu sais ce dont j’ai envie, mon nounours ?

Au travers de leurs habits, il lui fait sentir à quel point la proposition le tente.

— Moi aussi, ma petite braise… moi aussi… et furieusement, encore ! Tu me connais…

Il fait lentement glisser ses doigts sur les hanches de Sarah puis la plaque énergiquement contre lui. Mains au-dessus de la tête elle l’oblige à s’incliner jusqu’à ce que leurs fronts se touchent. S’agrippe aux cheveux noirs. Il ne les a pas coupés depuis trois mois et ça commence à se remarquer. Pour définitivement se distinguer des miséreux du Losange, avec leur tête rasée ? Ou pour qu’elle puisse y noyer ses phalanges ? Il y a une odeur de shampoing, denrée rare dans l’univers où il vit.

— Ce coup-ci, mon nounours… si tu réclames d’être attaché, j’en profite pour te séquestrer pendant au moins une semaine !

— Pas plus ?

Il la contourne. Revient se placer devant, et sa façon d’explorer la bouche avec la langue est une réponse. Sarah songe avidement au mélange de honte et d’impatience qu’elle aura, quand il lui posera une cordelette dans les mains.

— Si je te dis que j’étais inquiète, tu me bouffes toute crue ou on va dîner d’abord ?

— Celle que tu étais il y a trois mois ne se reconnaîtrait pas…

Elle sourit, un peu gênée. Essaye de redevenir pucelle effarouchée, juste quelques instants. Pas moyen. Le mâle féroce n’a plus rien de terrifiant. Pourtant, il est toujours le même. Presque honteuse, elle se détourne. Colle son dos au pull du nounours, pour ne pas affronter ses yeux avec une face rougissante.

— Ta façon de courtiser est un peu brutale, mon nounours. Avoue ?

— Je sais. Je ne ressemble pas au beau chevalier tout romantique sous son armure.

— À ta façon, tu es très gentleman.

— Je dois t’avoir rudement manqué pour que tu en sois à penser ça !

— Doux, respectueux, et même élégant ! Ceux qui diront le contraire, je les flingue !

Violent coup de reins accompagné d’un petit rugissement. Les doigts de Sarah trouvent derrière elle la grosse boucle du ceinturon noir. Argentée. Glaciale. Elle suit les reliefs gravés. Des zigzags. Des étoiles. Des pointillés. Des ronds. De l’autre main, caresse l’entrejambe expressif. Alex lui mord le cou, sûrement jusqu’au suçon, la fait pivoter pour atteindre sa bouche, qu’il dévore en lui broyant les épaules, puis s’écarte un peu.

— Un gentleman est un loup patient, parait-il… moi, je suis un loup. Un qui n’attend que le moment de bouffer sa proie. Un qui profite de son pelage pour se planquer dans l’ombre.

— Ce n’est pas vrai. Tu es mon gros ours mal léché rien qu’à moi.

— Tellement à toi que j’ai essayé d’être fidèle, pendant mon voyage.

Il s’est fait tout petit. D’un ton sévère, Sarah pose une question dont elle sait déjà la réponse.

— Tu y es arrivé ?

— Pas trop. Tu me connais. Si je vide pas, je peux plus réfléchir…

Les voilà comme deux tomates. Oui, elle le connaît. Ses envies ardentes et insatiables ! Exténuée, elle était, chaque fois. Mais ravie. Et serait devenue féroce si on avait voulu lui dérober un peu de ça. Mais savait qu’il en accordait une partie à d’autres, et le ferait encore plus éloigné d’elle.

Jalousie. Triste et furieuse.

Alex craignait que ses absences et silences attirent l’attention de son copain et complice. Du coup, il a déménagé. À loué un grand appartement avec tuyaux qui fuient, fils électriques qui sortent des murs, fenêtres et portes en lambeaux mais presque pas squatté et relativement propre. Et acheté des outils.

— Mon pauvre nounours.

Il s’en veut, de n’avoir pas su tenir sa bite au repos. Ça se voit plus fort que son as de Pique. Sarah songe à la moralité du quartier où elle vit. Toutes les femmes y sont choquées sitôt que leur mari ou leur fiancé regarde une autre qu’elles. Elle aussi, elle l’est… mais elle embrasse quand même son géant adoré et lui emprisonne le cou de ses petits bras. Elle n’aime pas, mais il est comme ça. Ce trop-plein d’hormones, il en souffre. S’il pouvait se soigner, on ne le prendrait pas pour une brute épaisse. En vrai, c’est un gars intelligent et curieux, avec un cœur tendre et même un peu poète. Mais à moins d’être là, tout près de lui, elle ne peut pas lui demander d’être fidèle.

— Nous faire des coquineries ici, c’est de la folie pure, mon soleil. Rejoins-moi au motel de la magnétogare Sud-Est. À l’heure qui t’arrange. Chambre 197. Je suis arrivé le premier. Roch et les autres ne seront pas là avant quatre ou cinq jours, et je leur ai conseillé de traîner un peu pour se fondre dans les motards venant pour la course.

— Je… tu te rends compte que les gares sont surveillées à mort, en ce moment ? Avec tous ces policiers… ton tatouage dépasse de ton bandeau ! Tu n’as pas peur qu’on t’identifie et t’arrête ?

— C’est effectivement un risque, mon amour… mais comme tu sais j’ai des amis hackers. Mon casier judiciaire est tellement trafiqué qu’il ressemble plus à rien. On me relâchera encore une fois.

À nouveau, elle le bourre de petits coups de poings nerveux. Cette fois en l’accusant de n’avoir pas de tête et de se fiche de tout. Il la calme d’un baiser, puis sort un sachet de sa poche.

— Je voulais te le donner tout à l’heure… mais je ne peux plus attendre.

C’est un pendentif en forme de cœur. Sarah le regarde dans le creux de la grande main d’Alex sans oser y toucher. Il est rouge et transparent, tout ciselé de lignes qui s’entremêlent autour de deux initiales entrelacées et incrusté de deux petits oiseaux dorés. Et avec un long ruban de velours.

— Et puis, j’étais pas certain de ce que tu dirais, rapport à mes écarts. Maintenant, je sais.

Il lui prend la main. Y pose le bijou.

C’est un modèle connu et romantique. Imité de celui que Baudouin Matyald avait offert à sa femme, et qu’elle porte encore à chacune de ses apparitions publiques. Toute émue, Sarah l’imagine dans la boutique, attendant qu’on ait gravé les lettres.

— Mets-le.

Elle hésite un peu. Si quelqu’un remarque cet objet, les questions vont pleuvoir.

— Comme ça, je serai toujours avec toi.

Il lui attache lui-même le nœud, et glisse le cœur sous les vêtements de Sarah. Pour qu’on ne le voie pas. Elle sent des larmes entre joie et stupeur lui monter aux yeux. Il la serre encore une fois, l’appelle sa petite braise en lui disant qu’elle est toute sa force, et puis la lâche brusquement. La porte d’entrée laisse échapper un courant d’air et un son à peine perceptible. Il est parti.

Magnétogare Sud-Est. Chambre 197.

 2020-05-12-masque---gamma-contrastes---NB-cadre

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LIEVRE DRAGONSERPENT

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PHOENIX CHIEN SANGLIER

 

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