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Sinistre Disco Ball... 60  ans de dystopie psychologique
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C'est quoi ce truc ?
En un tout premier temps, Sinistre DiscoBall n'était qu'un pari idiot sur lequel je pensais me casser la figure avant d'avoir écrit le douzième du premier jet. En un second temps, il a été envisagé, sans trop y croire, de le publier en auto-édition numérique. En un troisième, envisagé de même mais sérieusement et assez follement. En un quatrième... nous y voici. Publication sur blog.Tout  simplement. 

Description du projet : ICI.
Complément à description : LA.

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20 décembre 2021

2.30 > Quand on sait jouer du couteau.

  Lièvre de Métal

août 2071

Terry.

Sur l’écran holographique, le spectacle vient de s’évaporer. Un espace circulaire et bariolé où évoluaient des chevaux blancs et bruns et une femme en tunique à franges. Une drogue intellectuelle pour ceux qui refusent les drogues chimiques. À la place, un speaker virtuel à cheveux bleus et peau mauve apparaît, blablate quelques infos météo puis laisse la place à la fameuse Léda, programmée à tignasse vert pomme, pour une interview de Hugues Matyald, à propos des différents travaux menés par les laboratoires dont il a la charge. On cause chirurgie par nanorobots, et anatomie musculaire un peu du même coup. Terry, qui est supposé se tenir debout sans bouger et n’a rien à faire de mieux, écoute en se disant qu’il a trop zappé l’école. Contrairement aux canassons qui ont précédé, c’est intéressant. Sauf qu’il n’arrive pas à suivre. Faudra qu’il prenne quelques cours de sciences, un jour, quand il aura des sous. Quand il en aura… et c’est probablement pas pour demain.

L’œil glacé et impitoyable de Roch passe le gamin en revue sous toutes les coutures. À sa mine, c’est clair qu’il va dire non. L’adolescent devine déjà la réponse, et même l’aboiement sur lequel elle sera prononcée. Trop novice. Pas assez musclé. Et puis, malgré son habileté à manier la chaîne et le couteau, on raconte qu’il couche facilement encore pour un peu de fric. Hommes ou femmes, jeunes ou vieux, du moment qu’ils ont des sous, le beau Terry a réputation d’accepter. Ce n’est plus exact depuis déjà longtemps, mais Roch y croit ou bien fait semblant d’y croire. L’un ou l’autre, c’est kif-kif. Pas un porteflingue à son goût.

Un peu de barbe aiderait Terry à faire oublier ses « yeux de fille ». Il n’en possède qu’une ombre, même pas aussi foncée que ses sourcils châtain et les petits points sur son crâne rasé. Presque blonde. Alors il fait tout pour montrer qu’il n’est ni trouillard ni manchot. Faute de fric pour se procurer des cartouches d’énergie, il ne loue pas encore son pistolaser. Juste ses poings et des armes blanches. Du coup il survit surtout par des petits larcins. Les plus grands ont aussi commencé en bas.

– Retourne d’où tu viens et m’embête plus.

Le garçon obéit, mais ne renonce pas. À cette heure, Alex doit déjà avoir fini d’inspecter les entrepôts. Terry quitte la Baleine Bleue et prend la direction du Tonneau Endiablé. Ce n’est pas tout près, surtout à pied. Il marche en regardant le ciel. Dur de deviner d’avance d’où va surgir la moto rouge du baraqué tout en noir. L’ennui, c’est que lui non plus n’est pas très chaud pour l’embaucher. À chaque fois qu’ils en ont parlé, il a éludé en lui rappelant que c’était un métier dangereux. Visiblement, lui aussi pense qu’il n’a pas l’envergure pour ça.

C’est vrai. Il a tellement grandi que Roch n’aime pas se trouver à côté de lui et malgré ça, arbore des biceps si petits qu’un peu plus et ils seront en creux. N’empêche qu’il cogne sec et précis. N’empêche qu’il vise juste. Les potes avec qui il s’entraîne disent tous qu’il est le meilleur et qu’on aurait pas cru ça de lui y’a un an, quand il a dégoté son couteau, sa toute première arme.

Alex ne s’occupe pas du recrutement des porteflingues bas de gamme. Rien que des super-costauds, des invincibles. Mais avec lui Terry pense disposer de quelques arguments supplémentaires.

Faire la pute, il déteste ça de plus en plus. Outre que c’est pas marrant, c’est pas comme ça qu’on va arrêter de lui parler de ses « yeux de fille ». Pourtant, il y est pas mauvais. Doit être un peu crado sur les bords parce qu’avec un peu de kerag pour l’aider à se lâcher, il ferait monter aux rideaux le pire dégoûtant. Avec l’esprit clair, y’a trop de questions qui se bousculent. Se fait un peu honte. Et puis, les coyotes préfèrent toujours survivre couteau en main. Et lui, comme les autres.

Alex, c’est un client plutôt bien. Généreux et pas désagréable. Et puis, c’est un coyote devenu loup, et qui se changera peut-être en lion. Il fait partie de la meute. On emploie les atouts qu’on possède. Celui-là aidera peut-être Terry à décrocher un vrai boulot de castagneur, mais le plan comporte tout de même un énorme lézard. Depuis un moment, les humeurs d’Alex sont devenues très variables. Depuis ses fractures, disent certains. Depuis son arrestation disent d’autres. Les deux étant de toute façon la même date, laquelle importe peu. Ce qui compte c’est qu’il a changé et que ça crée une incertitude.

En passant devant une vitrine, Terry observe attentivement son reflet, aujourd’hui tout aussi net du maquillage zébré des « hyènes » que du teint uniforme des putes à pommettes pailletées. Il y a trois mois, il a été blessé dans une bagarre. On voit la cicatrice, paraît-il. Ça l’inquiète. Ces machins-là ne lui semblent ni « virils » ni « durs ». Ce sont juste des traces de défaite. Faudrait un vrai miroir. Qui dit la vérité sans crasse ni silhouettes. Pour se redonner un peu de peps, il jongle avec son couteau. Des enfants le contemplent avec admiration. Autrefois, c’était lui qui faisait ces yeux-là.

Ce couteau, il l’a gagné à un jeu un peu idiot. Avoir le regard vif et la mémoire efficace, c’est utile pour épater les gogos. Les copains disent qu’il pourrait se faire magicien. Tu parles. Les clients de la Baleine Bleue sont déjà morts à l’intérieur. Faire des tours en passant de table en table, ça les fera pas souvent rire. Tout ce maudit quartier est mort au-dedans. Tout le Losange. La liberté est rudement amère dans ce trou. Il y restera pas. Foutre le camp du bocal étanche où il a grandi, il regrette pas de l’avoir fait. Par contre, il s’est salement planté sur la direction à prendre.

On ne trouve pas toujours Alex au « Tonneau ». Terry espère qu’il y sera. Il ignore où se situe l’appartement du géant. Des voix racontent qu’il n’y vit pas seul. Certains prétendent qu’une femme habite avec lui. D’autres qu’elle vient et puis s’en va, mais que c’est presque tous les jours. Ensuite, il y a ceux qui sont sûrs qu’il s’agit d’un homme. Et puis, ceux qui nient tout en bloc, persuadés que le Nouveau Marionnettiste est trop coriace pour tomber amoureux. Enfin, ceux qui ne savent pas, ou qui s’en foutent. Terry espère que cette histoire n’est qu’une des innombrables rumeurs qui naissent et meurent tous les jours dans le Losange. Qu’Alex ait une copine ou un copain, pour lui la seule chose qui compte c’est de le réussir à le joindre, et qu’il imagine le trouver au Tonneau Endiablé. Même s’il préfère le convaincre sans employer son atout supplémentaire, que ce soit gars ou fille, ça lui ferait perdre cette possibilité.

En chemin, il aperçoit une grosse motovolante rouge avec des zébrures noires sur les flancs. Elle est garée, avec d’autres, devant la porte d’une boutique d’un peu tout. Un magasin de proximité dont les étagères quasiment vides rapportent sûrement moins au gérant que sa rangée de distributeurs de boissons énergétiques et de bases à recharger les batteries. Dans tout le Losange, y’en a pas des masses, des motos aussi énormes et superbes. Le type de modèle que seuls les Hurleurs achètent. Et encore. Uniquement ceux qui ont les moyens. C’est même bizarre qu’on en fabrique, vu que les Hurlantes sont interdites. En tous cas, c’est celle d’Alex. Aucun doute.

Il hésite. Doit-il le déranger pendant qu’il fait ses courses ou attendre dehors ? Si le géant n’est pas d’humeur à discuter, il risque de remonter en selle sans lui laisser le temps de placer deux mots. Tant pis. Un porteflingue doit savoir prendre des initiatives et des décisions. Il pousse la porte.

Avec ses épaules énormes, sa taille gigantesque, son blouson décoré dans le dos d’un as de pique étincelant, Alex est aussi discret qu’un éléphant sur une assiette. Ça a de la gueule, ce chic brutal. C’est digne du chef qu’il est devenu. La créature qui se serre contre lui n’a pas autant d’allure. Blouson trop large, Pantalon aussi terne que ringard, grosses chaussures moches, casque peinturluré de fleurs souriantes et pire qu’hilarant. L’adolescent évite pourtant de pouffer. Alex câline son ou sa chérie(e) en attendant son tour d’être servi. À bien détailler la chose, elle semble de nature féminine.

En les contemplant, Terry éprouve une sensation bizarre. Cette tendresse immobile et fusionnelle, ça fait envie. Mocheté de vie. Les amoureux, il en observe parfois, mais de loin. Là, c’est tout près, et c’est gênant. Et puis, c’est Alex-Pique, quand même. Comment un chef de cette envergure peut-il être sentimental ? Petite respiration avant d’y aller. Déranger le tête-à-tête, ça va pas faciliter les négociations. Prenant un air aussi rude et coriace que possible, il se dirige vers la silhouette en noir.

– Bonjour, Alex. Je peux te parler ?

– Si je dis non, tu parleras quand même, je suppose…

Sous la sphère obscure du casque, le ton est plus fataliste qu’agacé. Peut-être même attendri.

– Désolé. J’suis têtu. Pour faire vite, j’vais être direct. Dis à ton pote de me donner ma chance.

– Tu veux qu’il t’engage ? Comme quoi ? Comme convoyeur ? T’as pas de moto. Comme porteflingue ? Personne t’a jamais vu te servir beaucoup de ton laser. Et pis, je t’ai déjà dit… C’est pas un job de gamin. Mais t’en es plus un, tu vas me dire.

– Avec mon couteau et mes poings, je me débrouille pas mal.

– Tout ce que je peux t’offrir c’est la sécurité des ventes. Et encore ! C’est Roch que ça concerne, normalement. Je lui dirai que c’est pour te tester avant de te mettre aux entrepôts.

– T’es super !

– Crie pas victoire. Sur dix que je prends à l’essai, y’en a neuf qui renoncent parce qu’ils supportent pas l’entraînement. J’ai même pas besoin de les virer. Et le dernier, il a une chance sur vingt ou vingt-cinq que je lui dise pas qu’il n’aura jamais le niveau.

– Je tiendrai le coup.

La créature au casque fleuri tire Alex par le bras, avec un geste qui ressemble à de la crainte. Elle lui chuchote quelque chose. Terry a l’oreille fine, mais il n’a pas compris. Il a seulement perçu quelques sonorités. Troublé, il rêvasse un peu à « avant », quand il était un petit garçon bien sage. Il mâche ses souvenirs en regardant la fille. Sa voix légère et musicale ressemble à celle de la grande sœur. Elle avait fait partie de la chorale. Et joué du violon. Jusqu’à son entrée dans la police.

Soudain pressé, Alex renonce à ses achats, donne rendez-vous à Terry au Tonneau le lendemain midi et suit sa compagne dehors. Elle a l’air de pleurer.

Sur la surface impeccable du comptoir métallique, une balafre blanche déchire le bronzage banal d’un voyou aux cheveux presque ras. Un grand vilain Z tout pâle sur la joue droite, avec des petits tremblements sur les bords, qui font penser à un éclair. Une saleté qui épargne soigneusement les trois grains de beauté un peu roux. Celui sur la pommette, celui au pli de la lèvre celui dans le creux de la mâchoire. Non, ce truc, c’est pas viril. Juste moche.

 Livre-et-calame---500

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RAT BUFFLE TIGRE

LIEVRE DRAGONSERPENT

CHEVAL CHEVRE SINGE

PHOENIX CHIEN SANGLIER

 

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