Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Sinistre Disco Ball... 60  ans de dystopie psychologique
Newsletter
Pour être averti...
Une newsletter sera envoyée
quand le premier chapitre
sera posté.

Comment s'inscrire à la Newsletter ?

C'est quoi ce truc ?
En un tout premier temps, Sinistre DiscoBall n'était qu'un pari idiot sur lequel je pensais me casser la figure avant d'avoir écrit le douzième du premier jet. En un second temps, il a été envisagé, sans trop y croire, de le publier en auto-édition numérique. En un troisième, envisagé de même mais sérieusement et assez follement. En un quatrième... nous y voici. Publication sur blog.Tout  simplement. 

Description du projet : ICI.
Complément à description : LA.

Derniers commentaires
8 mars 2021

2.3 > Printemps

  Tigre de Métal

avril 2070

 Tanya.

 

Le village est un endroit hors du Temps. Hors du Monde. Hors de tout.

Rien n'y change. Du moins en apparence.

Comme autrefois, Tanya se penche pour passer la porte un peu basse de la maison. Un peu plus, peut-être, à cause de ses chaussures à talons. D'un mouvement de menton, Grand-Mère Nuage lui désigne un tapis. Elle s'assied.

Le printemps est frais et pluvieux, cette année, mais sans orages ni tempêtes. C'est bon pour le village. Les touristes reviennent déjà.

Les enfants de Red assaillent leur tante de questions. Ils l'ont vue dans une video-émission. Les petits chéris sont persuadés qu'elle est célèbre. C'est loin d'être le cas. Ils la croient riche. C'est encore plus faux.

En fait, Tanya est passée six fois sur des holochaînes de grande écoute, cet hiver. Cinq prises courtes effectuées pendant des spectacles. Une plus longue et plus soignée, pendant les répétitions. Un sacré coup de chance, car c'est arrivé dès son premier passage en petite chaîne privée. C'est toujours là qu'ils choisissent leurs sujets culturels. Autrement dit, elle leur a tapé dans l’œil dès le premier coup. Leur agent dit que c'est bon signe. Patrick semble du même avis, mais il grognasse. Il faut dire que de son côté, la salle reste vide. L'essentiel étant que leur couple réussisse à joindre les deux bouts, Tanya se dit que la fin du tunnel est proche.

N'empêche qu'elle est épuisée.

Discrètement, elle se prépare un peu de kerag. Le stress du travail ne l'a pourtant pas suivie ici... Alors pourquoi cette tristesse ?

Elle sort faire quelques pas et contempler l'animation sur la place. La réponse à son inquiétude lui apparaît aussitôt. Patrick est assis contre un mur, l'air sombre. Cet hiver : trois contrats annulés avant qu'il ait donné la première représentation. L'humiliation est énorme, surtout pour quelqu'un d'aussi fier que lui.

En plus de ça, son père est malade.

Elle revient s'asseoir sur le petit tapis rayé aux couleurs chaudes. Si c'était elle qui n'y arrivait pas, elle pourrait revenir au village...

Lui... que peut-il faire ? A part retourner en ville et chercher un autre boulot, qui ne lui plaira peut-être pas. Oui, sans doute, il devrait faire ça... mais il est trop fier, et trop amoureux de la magie. Il ne le fera pas.

Il ne demandera pas d'aide à ses cousins. Peut-être qu'il devrait. Juste un peu. Trop fier, il ne veut même pas y songer. Ils pourraient pourtant lui trouver un boulot solide, ou lui faire un coup de pouce auprès des médias. Hors de question.

Il y a quelques temps, Hugues est venu le voir en spectacle, avec son fils de trois ans et seulement une garde du corps. Quand il s'est excusé de l'avoir fait incognito et dissimulé par des lunettes noires et une écharpe, Patrick lui a dit qu'il préférait. Il ne veut pas d'une publicité people qui lui fabriquerait un succès artificiel.

Le petit Raoul est adorable. En le voyant se rengorger comme un coq d'être désormais grand frère, c'était dur de ne pas avoir envie d'une petite bouille comme ça auprès de soi.

Avec sa voix douce et chevrotante, Grand-Mère Nuage demande dans combien de temps ils pensent réfléchir à avoir des enfants. Tanya bafouille, puis explique que ce n'est pas encore au programme. Pourvu que la vieille femme ne demande pas de précisions ! Bien sûr, il y a les soucis d'argent, mais Patrick n'aime pas les enfants, surtout en bas âge. Le jour où il se décidera, il faudra qu'elle puisse s'en occuper seule, au moins les premières années. Grand-Mère Nuage ne pose pas d'autre question. Elle commente qu'ils sont mariés depuis déjà quatre ans. Elle a raison. Quatre ans. Le temps passe... il faudra qu'ils se décident à y penser. Comme elle commence à gagner un peu d'argent, peut-être qu'ils vont enfin avoir les moyens de vivre, et non plus survivre.

Une petite maison confortable pour y vivre tranquillement. C'est ça qui serait beau.

Tanya aime les chevaux, mais ce métier, qu'elle croyait merveilleux, elle commence à le détester. Toujours voyager. Toujours stresser. Toujours sourire. Elle est devenue une marionnette qui s'agite sous les projecteurs dans une jupette dorée, et les marionnettes, chacun le sait bien, n'ont pas le droit d'avoir une volonté propre. Pas d'âme. Pas de sentiments, peut-être.

Si encore elle était sûre que Patrick l'aime toujours autant ! Malheureusement, elle doute de plus en plus. Le malheur le rend aigre. Il est jaloux de tous ceux à qui elle parle, et elle veut bien trouver ça flatteur. Jaloux de son succès, aussi. Qu'est-ce qu'elle peut faire ? Elle ne va tout de même pas refuser de travailler pour lui faire plaisir ! Quand il se met en colère, il s'excuse ensuite, tout penaud, mais elle sait qu'il recommencera à la première déception.

De temps en temps, elle essaye de lui suggérer de changer de voie. La moindre allusion à ce sujet le rend fou de rage. Non, il n'abandonnera pas. Son père a été un prestidigitateur fabuleux... il le sera aussi !

L'un comme l'autre, ils font des petits boulots, en plus de leurs métiers artistiques. Des jobs « en ligne », le plus souvent. Là aussi, Tanya se débrouille plutôt bien. Son truc préféré, c'est les sites d'assistance scolaire. Il paraît qu'elle explique bien, alors on la paye mieux que d'autres. Patrick, encore une fois, est victime de son orgueil, qui le pousse à rechercher des jobs plutôt dans ses goûts que dans ses compétences. Son père dit qu'il a dû hériter son entêtement de leurs aïeux irlandais. Une boutade qui ne change pas grand-chose aux faits et vexe l'intéressé quand il l'entend prononcer.

Tanya compte mal, mais elle se rend bien compte que si, tous les deux, ils renonçaient à cette vie de nomades pour bosser plein temps à des trucs comme ceux qui leur permettent de boucler un peu leur budget, ils arriveraient à s'en tirer. Financièrement, du moins.

L'ennui, c'est que pour faire ça, il faudrait qu'ils renoncent à leurs métier artistiques. Lui à la magie. Elle aux chevaux. Aucun des deux n'est prêt à un tel sacrifice.

Et puis, rien ne presse.

Elle gagne plus qu'avant. Elle commence à avoir un peu de succès. Ils n'ont pas envie de fonder une famille tout de suite. Cette vie de bohémiens, comme dit Patrick les soirs où il a le moral à zéro, ils peuvent encore la supporter quelques temps. Certains jours, Tanya se dit même qu'elle n'est pas si mal, cette vie. Ils n'ont rien, mais ils sont ensemble. Ils ont le monde à découvrir et des milliers de paysages sous leur fenêtre au lieu d'un seul.

La porte de la cabane est restée ouverte pour aérer. On voit les autres maisons autour de la place, les enfants qui jouent, un cavalier qui met pied à terre. Rien ne change.

Ici, c'est là où elle était petite. Là où rien ne peut arriver. Là où elle ne s'en pose même pas la question.

Grand-Mère Nuage fume sa pipe. Dans le cendrier, le frère de Patrick a laissé un mégot. Les deux odeurs, sauge et tabac, se mélangent un peu.

L'ingénieur de la climatosphère est passé hier, avec l'équipe pour vérifier les émetteurs. Cole était content d'avoir Patrick sous la main pour l'aider à discuter. Ce gars n'ose pas prendre de haut quelqu'un qui possède le numéro de téléphone perso de ses patrons et les appelle par leurs prénoms et surnoms.

Stuart, moins nerveux depuis qu'il a changé de job, est parti se balader. Il reviendra sûrement presque à la nuit, comme hier et avant-hier. Il a l'air bien, ici, mais Grand-Mère Nuage dit qu'il doit marcher encore pour trouver ce qui lui manque.

Kiona est pressée de retourner en ville. Cette vie dans un passé reconstitué ne lui plaît pas. Elle va et vient près de la maison, en téléphonant. Elle s'occupe de gestion du matériel, dans un organisme qui veille sur les quartiers démunis. Il leur manque toujours ceci ou cela. Son boulot est plus utile que les leurs, mais ne marche pas beaucoup plus fort. Le chômage ne la menace pas tellement, à première vue, mais si on met autant d'argent pour acheter de la bouffe et des médicaments qu'on en met au salaire de ceux qui font la distribution, il ne faut pas s'étonner que les infos parlent autant de criminalité dans ces quartiers-là.

 

2019-02-28--jacynthe-et-serre---NB--cadre

 

Publicité
Commentaires

RAT BUFFLE TIGRE

LIEVRE DRAGONSERPENT

CHEVAL CHEVRE SINGE

PHOENIX CHIEN SANGLIER

 

Publicité
Publicité