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Sinistre Disco Ball... 60  ans de dystopie psychologique
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C'est quoi ce truc ?
En un tout premier temps, Sinistre DiscoBall n'était qu'un pari idiot sur lequel je pensais me casser la figure avant d'avoir écrit le douzième du premier jet. En un second temps, il a été envisagé, sans trop y croire, de le publier en auto-édition numérique. En un troisième, envisagé de même mais sérieusement et assez follement. En un quatrième... nous y voici. Publication sur blog.Tout  simplement. 

Description du projet : ICI.
Complément à description : LA.

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10 mai 2021

2.8 > L'art de se faire respecter

   Tigre de Métal

juillet 2070

Roch.

Petit grognement en entrant dans la chambre. Claquement de porte pour en ressortir.

Roch ne s'est pas attardé. Il a des trucs à faire, il bosse, il s'amuse pas, lui. Depuis que le pote est blessé, la vie est salement merdique. La première semaine, Roch était trop paniqué pour savoir encore réfléchir. Ensuite, il a remis ses neurones en marche mais celles d'Alex patinaient dans la fièvre. Entre Alicia et Alex, le mépris était jusque-là réciproque. Un jour, en revenant d'un rendez-vous, Roch les a trouvés en train de bavarder presque gentiment. Il n'a pas eu le temps, ce jour-là, de s'étonner longuement. Alex a constitué leur armée de protection des hangars avec une espèce de harem qui était au bord de la révolte et réclamait de lui parler à lui et pas à son imbécile d'associé. Ensuite, Alicia s'est découvert une vocation d'infirmière. Objectivement, Roch devrait s'en réjouir. Mais ça l'agace.

Lui, il se démène avec des porteflingues exigeant de voir leur chef et des dealers menaçant d'aller bosser pour la concurrences. Pendant ce temps, eux, ils ont l'air de s'amuser comme des gamins. Elle lui nettoie ses blessures. Il lui raconte des histoires drôles. Roch ne s'était jamais rendu compte que son pote en connaissait autant, ni aussi variées. Sitôt que le géant a été suffisamment rétabli pour tenir debout, elle l'a aidé à marcher jusqu'au bar le plus proche. Il n'était que temps ! Même en empruntant l'écran portable d'Alex, Roch ne peut pas faire grand-chose sur internet. Il ne connaît pas les mots de passe d'Alex, et s'est rendu compte à cette occasion que le copain ne les lui donnerait pas.

Bien sûr, le géant a commencé par s'occuper des affaires, consulter les messages de leurs correspondants et s'informer de la concurrence ainsi que de la police. Mais à côté de ça, ils ont passé beaucoup de temps à jouer. Roch découvre tout à coup que sa copine aime se transformer en amazone virtuelle, arc dans une main et sabre dans l'autre. Avec presque autant de coquetterie en version numérique qu'en vrai.

Roch accumule agacements et frustrations, et par-dessus le marché s'attend ce que le chaos dans lequel il évolue deviennent tout à coup ordonné quand Alex pointera à nouveau son tatouage.

Le pire, ça a sans doute été le jour où Ally a appelé Alex « Alejandro ». Roch s'est fâché tout rouge, croyant à un mot doux. Il a failli se cogner au poing du copain. Son poing droit, vu que le bras gauche est abîmé. Cette tête d'oiseau d'Alicia s'est expliquée comme elle a pu : Alex lui rappelle des souvenirs d'enfance, alors elle a eu envie de l'appeler comme ça. Une sorte de surnom sur mesure, un peu. Faut pas te fâcher pour ça, mon chéri, si tu veux je t'en trouve un à toi aussi. Et roucouli et roucoula. Et papilloni et papillona. Bien que flatté des efforts de séduction mis en œuvre pour l'apaiser, Roch n'a pas été convaincu. Il a tellement beuglé qu'elle n'a plus osé redire ce prénom. Par contre, elle a exhumé de sa mémoire des ritournelles qu'ils connaissent tous les deux, puis des chansons démodées qu'il trouve amusantes, et jusqu'à des comptines en espagnol.

L'été s'installe. La chaleur rend la pollution plus brûlante. La lourdeur orageuse stagne avec quelques grondements chaque nuit mais jamais assez pour rafraîchir l'air. Dans les rues du Losange, les gens se déplacent avec un drap clair pour s'abriter dessous, mais à peine vêtus dessous, et des porteurs de bidons proposent aux gens de se rafraîchir avec une éponge mouillée. Quand on s'écarte vers des quartiers encore civilisés, c'est comme changer de dimension. Dans les météosphères bien entretenues, l'air est respirable, et les habitants s'amusent à être beaux.

Dans ces conditions, Roch ne peut pas s'étonner de trouver Alicia en petite tenue, et il n'en a même pas été tenté. Malgré tout, ça vient se rajouter sur les contrariétés, et quand il est énervé Roch devient facilement brutal. Sauf que Alex devine la moindre vibration d'hostilité et ne laisse pas les colères éclater. Roch en est quitte pour cogner n'importe qui n'importe où pour n'importe quoi, en prenant soin de ne pas choisir des cibles capables de lui renvoyer le coup de poing. Heureusement, Alicia a compris qu'il ne voulait pas la voir trop près du copain, sauf si y'a un pansement à refaire. Elle conserve la distance minimale décente.

Non mais sans blague...

Profitant d'un moment où ils étaient tous les deux, Alex a rassuré Roch de son mieux : Ally est sympa, et gagne à être connue, mais elle n'est pas son genre. Pas du tout. Il peut dormir sur ses deux oreilles. Par la même occasion, il a demandé à Roch, une fois de plus, d'aller lui chercher une rousse. C'est bizarre, cette obsession qu'il a pour les rouquines depuis sa blessure. Roch lui en a dégoté une, mais elle avait trop de poitrine et sa crinière était trop longue. Difficile, le copain.

Objectivement, la vie privée va modérément bien, et la vie professionnelle pas plus fort.

Temporairement privé de son associé, Roch doit s'occuper de la gestion des stocks, et chaque visite des planque est un calvaire. Même avec un croquis détaillé entre les doigts, il n'arrive pas à se souvenir des quantités conservées ici ou là. Heureusement, les « chiens fidèles » d'Alex ont préféré l'aider que se payer sa gueule. Qu'est-ce qu'il aurait fait, si ces porteflingues à moitié dingues avaient décidé de ne pas lui obéir ? De toutes ses méninges, Roch s'intéresse à la délicate mécanique que sont le gardiennage et les expéditions contre les concurrents trop curieux ou trop voraces. Beaucoup de ces bagarreurs n'ont pas l'air très dangereux, mais tous sont prêts au pire pour leur chef et capables des exploits les plus improbables avec les armes les plus surprenantes. Les nanas encore pires que les gusses. Pas hostiles, mais à l'évidence incontrôlables, et tous camés à mort. Vivement qu'Alex reprenne sa place auprès d'eux !

L'inconvénient, quand on se déplace à moto, c'est qu'il est imprudent de le faire à moité nu, et que les blousons et tenues de protection tiennent très chaud. De plus, en arrivant dans les météosphères civilisées, il faudrait se rhabiller. Roch préfère y donc passer le plus de temps possible et ne rentrer à l'appartement qu'à la tombée de la nuit. D'ailleurs, c'est aussi un bon moyen d'éviter les potentiels hommes de main d'un gang adverse. Le Losange a ses coutumes et ses tabous. On n'envoie pas des porteflingues en mission d'intimidation pendant la nuit. Ce serait une déclaration de guerre. On ne s'en prend pas non plus à quelqu'un qui a été blessé par la police. Alex est en sécurité.

Du coup, le jeune homme consacre tout son temps plus ou moins libre à rendre visite aux dealers exerçant dans des météosphères dignes du nom d'espace urbain. Quelques-uns bossent pour eux, et beaucoup pourraient le faire. Il visite en détail des lieux où il ne s'était jamais attardé. C'est presque du tourisme.

Pour le moment, à force de cogiter, il est trop agacé et fatigué pour contempler le paysage ou les autochtones. Il stoppe sa moto devant une terrasse de café située en face d'un écran holographique. Les clients le regardent de travers. Fallait s'y attendre. Il est dans un quartier chic. Ses fringues détonnent à côté des leurs. Boire un verre ici, ça va lui coûter bonbon. S'en fout. Il s'installe à une table. S'apprête à commander un cocktail à la mode, puis change d'avis et opte pour un apéritif classique et haut de gamme. Dans ce genre d'établissement, les alcools sont de meilleure qualité qu'à la Baleine Bleue, et de très loin. Tant pis si ça coûte dix fois plus cher.

Distraitement, il contemple les mouvements gracieux des chevaux sur l'hologramme. Il n'a pas l'habitude de s'extasier mais il trouve ça beau. Très beau. Fabuleux. Une sensation qu'il n'a plus traversée depuis quand ? Quel âge avait-il, la dernière fois qu'il est ainsi tombé en arrêt total devant quelque chose ? Sept ans ? Six ans ? C'est doux, léger, étrange. Extraordinaire. La femme qui exécute le numéro est-elle jolie ? Il ne s'en pose même pas la question, et ça aussi c'est anormal. Elle est une forme, presque abstraite, ou bien élémentaire. Est-ce que le vent a un visage ? La face lisse et mouvante du présentateur virtuel revient. Il indique le lieu du prochain spectacle et donne quelques précisions sur la race des chevaux et le fait que leur dresseuse s'occupe d'eux personnellement. Blablabla... le nom de l'artiste échappe à Roch à cause d'un connard qui a gueulé parce que le « garçon » met trop longtemps à lui apporter sa consommation.

En même temps... qu'est-ce qu'il en aurait fait, de ce nom ? Il va pas aller au spectacle. Ça doit coûter beaucoup trop cher pour lui, ce machin. Peut-être qu'il aurait essayé de retrouver ça sur un autre panneau holographique. Peut-être même qu'il aurait emmené Ally voir ça.

Il se secoue. Rêver comme ça, c'est bon pour les fillettes. Lui, il est un mec. Faut qu'il s'occupe de choses sérieuses. Quand il aura du fric pour aller au spectacle, il pourra se soucier des peoples et aspirant peoples qu'on voit sur les écrans holographiques. Pour le moment, il a autre chose à faire.

Histoire de faire oublier à Ally ses récentes colères, moins violentes que beaucoup d'autres qu'il ait déjà faites, mais beaucoup trop fréquentes. Il lui offrirait bien un bijou, ou une robe. L'ennui, c'est que les finances sont pires que mauvaises en ce moment. Le bruit a couru qu'Alex était blessé, et plusieurs revendeurs intermédiaires ont renoncé à bosser pour Roch et encore plus de transporteurs. Sans des gens-là, recruter des dealers dans les beaux quartiers ne servira à rien. Ils ne sont pas partis tout à fait. Ils disent juste qu'Alex offre plus de garantie, niveau sécurité.

Avec sa tronche de beau gosse et ses muscles petit format, Roch n'inspire pas confiance. En plus, il vise plutôt mal avec un laser et on ne le voit jamais se battre que contre plus faible que lui ou s'il est jaloux à cause d'Ally. A force de se charger des démonstrations de force, Alex lui a joué un sale tour. C'était pas voulu, bien sûr. Il l'a quand même fait.

Personne ne sait de quoi Roch est capable et ça vaut mieux. On ne se méfie pas de lui. En général, ça lui convient parfaitement ce rôle de comparse inoffensif. Il n'en est que plus efficace. Sauf que pour le moment, il aurait bien besoin d'impressionner un peu. Juste assez pour qu'on ne le prenne pas pour un bleu ou pour un cave.

Sur la façade d'en face, l'hologramme affiche maintenant la trombine sévère d'une vieille femme qui se lance dans des explications compliquées sur la construction des voies magnétiques menant aux cités océaniques. Blablabla... qu'on commence par améliorer l'approche des magnétogares terrestres avant d'en mettre sur mer. Tous les jours, y'a des motards qui percutent un émetteur, en ces conneries de giga-croisements où tous les flux de transports se rejoignent. Ceux qui sont un peu malins et habiles quittent la voie avant la gare. C'est une manœuvre dangereusement acrobatique mais moins risquée que d'aller jusqu'au bout.

Par on ne sait trop quel mystère, Olivier Matyald vient poser sa belle gueule et son joli costard à côté de la savante momie et superpose un bagout friqué à l'étalage scientifique. Roch lui accorde un regard, juste le temps de comparer leurs tronches. Très brun de coiffure, plus que bronzé d'épiderme mais tout de même plus pâle que son frère aîné dont on voit tout de suite qu'il est métis. Très souriant, faussement décoiffé. Le mec qui sait que ses apparitions sur un écran seront la tendance capillaire du lendemain. Gère tes usines, gros con, et arrête de te prendre pour une image de mode, t'as l'air d'un singe. Pile quand Roch se dit ça, un deuxième holospeaker lance un autre sujet en évoquant l'élégance et la discrétion du défunt père d'Olivier Matyald. C'est pour parler d'une école d'arts martiaux qu'il avait créée et qui va s'élargir à des cours de danse. Comment peut-on à ce point zapper du coq à l'âne ? Et hop, dans le mouvement, la tronche numérique fait une pirouette vers une accusation de dérive sectaire lancée par l'ex-épouse du majordome de la famille Matyald.

Roch sirote son verre. L'air peinard mais juste l'air. Réfléchit aux convoyeurs qui ne veulent pas négocier avec lui. Alex en a encore pour un moment à se retaper.

La solution numéro 1, ce serait de jouer le grand jeu. Celui qui lui fera d'un coup une réputation sanguinaire et lui grillera par la même occasion cette tranquille apparence qui lui convient bien. Pas question. D'abord, s'il fait ça, Ally aura la trouille et elle le plaquera. Une catastrophe, vu qu'il ne se laissera jamais plaquer, surtout par elle. Ça finirait en bain de sang avec lui chialant au milieu. Une option écoeurante et qui ne lui garantit même pas que les types voudront bosser pour lui. La peur pourrait les faire fuir. En plus, s'il loupe son coup, la concurrence s'en rendra vite compte. La deuxième solution, c'est que le copain montre sa barbiche et ses biscottos un peu plus souvent, et surtout dans les endroits où on a l'habitude de le voir. Il n'est pas en état de faire le zouave sur sa moto mais poser ses fesses sur une banquette à la Baleine Bleue, il en est quand même capable. L'ennui, c'est qu'il tire une tronche pire que si on lui avait annoncé la fin du Monde pour hier soir. Tant qu'il aura pas repris sa figure de rocher inébranlable, mieux vaut qu'il reste planqué le plus possible. Retour au point de départ.

Alex a-t-il encore des économies, lui qui dépense moins ? C'est possible, mais la visite du docteur a coûté cher, sa discrétion encore plus. Il a aussi fallu des médicaments et des pansements. En plus, sa moto, restée aux hangars le jour où il a été blessé, a été saisie. Celle qu'il a volée ne lui convenant pas il a demandé à un pote informatoc de lui en acheter une autre, et c'est autant d'argent en moins dans la caisse.

Les informatocs... Bien sûr. Ces espèces de magiciens sont capables de tout.

Sur l'immeuble d'en face, l'hologramme fait défiler des visages de dangereux criminels signalés dans le secteur. Le logiciel est géré géographiquement de façon très précise. Peut-être trop ! Les hackers du Losange, si on y met le prix, savent trouver pratiquement n'importe quoi sur les serveurs de la police. Roch ricane en s'imaginant dans ce casting de terreur. Même s'il n'y reste qu'un jour ou deux, ça redressera bien ses affaires.

 

 2020-01--duc-de-bourgogne--cadre

 

 

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Commentaires

RAT BUFFLE TIGRE

LIEVRE DRAGONSERPENT

CHEVAL CHEVRE SINGE

PHOENIX CHIEN SANGLIER

 

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