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Sinistre Disco Ball... 60  ans de dystopie psychologique
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C'est quoi ce truc ?
En un tout premier temps, Sinistre DiscoBall n'était qu'un pari idiot sur lequel je pensais me casser la figure avant d'avoir écrit le douzième du premier jet. En un second temps, il a été envisagé, sans trop y croire, de le publier en auto-édition numérique. En un troisième, envisagé de même mais sérieusement et assez follement. En un quatrième... nous y voici. Publication sur blog.Tout  simplement. 

Description du projet : ICI.
Complément à description : LA.

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  Tigre de Métal

10 octobre 2070

 Alex-Pique.

 

 

 

Scotchés, rivés, soudés, à la scène, les yeux de Roch agacent Alex. Sa copine s’y trémousse ? Et alors ? Quand on bosse, on bosse.

— Bordel ! T’écoutes un peu quand on cause de l’itinéraire ?

— Oui, oui…

— Tu étais plus attentif autrefois. Depuis que tu connais cette fille, tu ne fais plus rien de bon. C’est même de pire en pire. Achète une bague, mets-la-lui au doigt et fais-toi embaucher comme serveur ou vigile, si tu veux plus de notre boulot.

Des gars écarquillent les prunelles, comme devant une bagarre prête à éclater. Non, Alex n’a rien contre Alicia. Rien du tout. Mais s’il est trop gentil avec elle, Roch va prendre la mouche. Il était plutôt content qu’ils aient réussi à s’entendre, mais depuis qu’ils s’entraînent ensemble pour participer à des concours de danse, le ton a changé. Pourtant, dans le Losange, c’est fréquent que les partenaires de danse ne soient pas ceux de baise. Les trois quarts des bons danseurs évitent même de mélanger les deux, et il y a même des dictons et des blagues à ce propos. Et oui… mais Roch est un jaloux de première catégorie et il ne connaît pas les us et coutumes des concours de danse. Du coup, il a pris ça comme une offense à son honneur. Pas de pot. Il l’a dit si violemment qu’Alex, à son tour, n’a pas aimé. Ça a donné une dispute qu’aucun des deux n’a envie de recommencer.

Un partout et un temps pour chaque chose.

— Et toi, donc ? C’est toi qu’est arrivé en retard ! Pas moi ! Et c’est toi aussi qui veux choisir la date du voyage en fonction de celles des concours de danse ! T’es ridicule, Alex ! Ces trucs, c’est de la connerie ! Tout le monde aime ça, mais tout le monde s’en passait très bien, quand y’en avait pas !

Les concours, au temps du Marionnettiste, c’était hyper-rare. Ce dingo y envoyait trop souvent des flingueurs pour foutre la pagaille. Fallait être rudement sûr de soi, pour en organiser un. Et rudement bien trier les participants. À présent, tous les bars voudraient en organiser, mais il faut un espace de danse ou une scène, ou même les deux, pour se le permettre. Justement, la Baleine Bleue possède l’un et l’autre.

— Change pas de sujet, Roch ! Les concours, c’est par périodes. Un temps y’en a plein. Un temps y’en a plus partout. On peut caser le voyage dans le calendrier. Et je suis arrivé en retard de cinq minutes, mais toi ça fait une heure que t’es complètement ailleurs.

— Le prends pas comme ça, Alex. Je t’écoute. Mais je la regarde. Pis que je sache, c’est pas moi qui me suis fait choper y’a quatre mois. T’es pas irréprochable non plus.

— Non, tu n’écoutes pas. Et moi, j’me suis pris un laser, c’est des choses qui arrivent. Tu n’écoutes pas, Roch. Ça fait dix ans qu’on se connaît. Je ne t’ai jamais vu aussi distrait. Et ça dégringole de jour en jour. Tu veux que je te dise ? Plus sa tenue de scène diminue et moins tu écoutes. Partie comme elle est, Alicia chantera bientôt toute nue. Ce jour-là, tu redeviendras peut-être attentif. En attendant, si tu ne l’es pas plus, je casse nos accords. Terminé.

Il se lève. Roch a tout de même le réflexe de lui courir après.

C’est drôle, les années…

En se rasseyant, Alex revoit la cellule où tout a commencé. Il avait des faux papiers, qui lui ont sauvé la mise. Pas facile, à cause de son tatouage, mais il sait y faire en matière d’embrouilles. Et un bracelet de communication qu’il avait réussi à dissimuler dans sa botte et qui lui a permis de contacter un copain hacker. Roch n’avait aucun signe d’identification, mais un flic zélé a relié sa photo à une image de surveillance dans une affaire de racket. Ils n’avaient pas grand-chose en commun, à part d’être dans la même cellule. Le délinquant issu des quartiers pauvres depuis X générations, endurci à tout depuis ses premiers pas. Le gosse de classe moyenne en fugue, grincheux pour ne pas sembler apeuré, fanfaron par crainte d’avoir l’air fragile. Pas aimable, en plus, le mioche ! Agressif comme un chien battu. D’autres lui auraient rétamé la gueule, mais Alex a un faible pour les forts tempéraments. En plus de ça, une gueule d’ange, avec de beaux yeux bleus, un petit menton pointu, et des cheveux trop longs qui flottaient un peu sur son cou. Forcément, pas voulu l’abandonner dans la cage. Il a demandé à son pote de faire passer le petit angelot pour son demi-frère. Ils sont sortis ensemble des locaux judiciaires. Roch était émerveillé. Pour Alex, c’était de la routine. Il lui a proposé de rester avec lui un moment. Le gamin a accepté. À quinze ans, seul dans cette jungle, comment il aurait pu y arriver ? Ce joli petit chat sauvage, qu’est-ce qu’il espérait le coller dans son lit ! Là-dessus, Alex s’est fait avoir. Jour après jour, le petit escroc lui a tenu la dragée haute. Heureusement, il a su aussi se rendre utile sur plein de choses. Récemment, il savait encore le faire. À présent, plus guère. Et dans le Losange, les individus inutiles, ils ont intérêt à se trouver une utilité rapidement.

Chopé par le bras, Alex laisse le copain le ramener à leur table. Ça pourrait être signe qu’il veut bosser, mais sitôt assis, voilà qu’il se remet à lorgner la scène.

— Tu deviens un bon à rien, Roch. Mais à bien regarder, t’es encore vachement mignon.

Si le gamin hargneux lui a, au début, laissé espérer, il n’a jamais permis le plus petit tripotage. Par contre, lui en a souvent balancé d’autres dans les bras. S’il ne trafiquait pas sur la came, il le ferait sur les putes. Peut-être qu’il le fait aussi en douce, d’ailleurs. Pique a beau être un obsédé, il déteste les proxénètes presque autant que les violeurs. Peut-être même encore plus. Lui, il fait peur, et il se sait réellement dangereux. Mais essaye de ne pas en abuser. Roch, c’est un fragile qui se prend pour un champion. Drôle comme ce petit filou devient noir de rage à un truc dit pile exprès pour l’emmerder. Alex l’achève en lui tapotant la joue par-dessus la table.

— Redis-le et je te plante !

Devant le couteau qui a jailli de la poche de Roch, Alex laisse échapper un petit rire.

— Continue, et tu vas voir comment je t’enseigne les bonnes manières ! T’as l’air d’une vierge qui défend son pucelage. L’ennui, c’est que t’as vraiment pas le profil du rôle.

— Contrairement à toi, je suis un mec et j’ai aucun doute là-dessus.

— Oui, oui… Un vrai mec à 200 %… J’oubliais de te dire : la prochaine fois où ta donzelle a un bleu, je te mets une trempe. Je veux pas d’un malotru cogneur de dames comme associé.

— Depuis quand les fesses de ma copine te regardent ?

— Alicia est une chic fille, mais elle a beaucoup trop de nichons pour moi. Je t’entends penser, Roch. Tu trouves que je ne suis mec qu’à mi-temps. C’est possible, mais toi tu n’es pas souvent gentleman, et ça c’est une certitude.

— Tu me reproches de la regarder au lieu de bosser, tu me cherches sur la façon dont je règle mes problèmes avec elle… pour qui tu te prends ?

— Arrête de t’échauffer. Ça va bientôt fumer au-dessus de ta tête. Ridicule à fond, tu es… mais croustillant tout plein. Tellement que je pourrais oublier que t’as la carcasse trop large à mon goût.

Du coup, Roch fait jouer ses épaules. Gonfle ses biscottos. Alex va bientôt éclater de rire.

— T’oseras jamais… si t’essayes, j’te les coupe. Et après, j’te les fais manger.

— Si tu préfères, je t’écrase ta jolie petite gueule.

— Ça non plus, t’oseras pas.

— Tu aurais vraiment besoin d’une leçon de savoir-vivre. Méfie-toi. Un jour, quelqu’un te la filera, et je serai pas là pour te défendre. Ou bien j’aurai pas envie. Où t’as appris à menacer un copain ?

— T’es un copain quand ça t’arrange. Un peu trop souvent, tu te prends pour le chef.

— Je suis le maître et toi l’élève, Roch. Pour l’honneur et les sous, je te traite en associé, mais tu ne fais pas la part de travail qui va avec. Tu veux que je me prenne pour le chef ? Je peux le faire. Quand tu auras le temps de réfléchir, fais-le. Tu verras que t’es remplaçable. Je t’aime bien, mais y’a pas grand-chose où tu sois vraiment doué. Sauf mentir. Là, c’est nickel. Tu mens comme tu respires.

— Je vais te…

— Encore ? Arrête de te mettre en colère, Roch. C’est contre-productif. Tout autant que de pas m’écouter. C’est pourtant bien toi qui dépenses des mille et des cents en bijoux de pacotille et fringues de mauvais goût ? Il faut les gagner, ces sous. Moi, je m’en fous. J’ai pas besoin de grand-chose. Je fais ça pour l’amour de l’art, on pourrait dire. Ou pour me distraire.

C’est pas tout à fait vrai, mais Alex n’a aucune intention de raconter à Roch ce qu’il fait de son fric.

— Tu fais ça parce que t’es encore plus accro à tes grands calculs de stratégie qu’à la drogue.

— Peut-être. Mais grâce à moi, tu peux devenir riche… si tu fais ce que je te dis. Et moi, j’ai pas envie de finir en taule. On est OK, là-dessus ?

Le gamin, qui n’en est plus un depuis longtemps, hoche la tête. Comme un gamin.

Alex, qui aime bien retomber en enfance, mais ne s’y autorise que dans les jeux vidéos ou sur une piste de danse, regarde la blonde quitter la scène. Soucieux. Triste. Fatigué.

— Ta poupée a terminé son numéro. Va t’amuser avec elle. Désormais, je ne mets plus les pieds dans ce bar. On causera à la chambre. T’as pas un gramme de cervelle quand tu es ici.

— Tu sais ce que c’est, être amoureux ? Non ! Alors critique pas !

Oh si, Alex sait ce que c’est. Il ne répond pas. Roch est déjà parti.

Dans les coulisses, ces deux-là vont encore s’embrasser, puis se disputer, puis baiser, ou bien torgnoler, ou bien les deux. Sous le tatouage, la rouquine vient rôder, comme un délire impossible à chasser. Avec son armure renforcée. Ses cheveux orange. Ses hanches qui roulent comme un galion.

Un verre d’eau au bar. Avec dix gouttes de kerag. Alex a demandé ça à voix haute. Une seule personne a réagi, pour en demander un aussi. C’est presque une consommation ordinaire. Férocement illégal. Violemment réprimé par la loi même au niveau de la simple consommation. Mais c’est tout juste si on ne l’inscrit pas à la carte. Pas fameux au goût. Dommage, vu que garder en bouche fait planer niveau stratosphère. Alex avale en trois coups rapides. À côté de lui, un jeune homme déguste lentement un pseudojus avec des yeux qui semblent indiquer qu’il y a fait verser un peu de la substance interdite.

Alex est bien placé pour connaître le niveau des réserves. Il remet lui-même les boites au patron de la Baleine. Compte tenu de ce qu'il vendra probablement le soir du concours et de la consommation moyenne des clients, la rupture de stock arrivera dans huit ou dix semaines. Et c'est à peu près le même délai pour ce qui reste dans les hangars. Y'a pas le feu, mais faut pas flemmarder pour autant.

Près de la scène, Roch se livre à un tripotage de nichons en apnée, sous regards grivois.

Dans la jupe extra-courte et le petit bustier qu’elle porte pour donner soif aux clients, cette pauvre Alicia est quasiment nue. Quand elle parle, sa voix fait un peu grincer des dents, mais elle chante bien, et même très bien… génialement bien ! Quand il ferme les yeux, Alex en oublie toute la puanteur du quartier, toute la crasse de sa saloperie de vie. Les clients s’en foutent royalement. Yeux exorbités, ils s’excitent en cognant les tables. Roch est raide dingue cinglé de son corps, de ses yeux, de sa voix, mais s’il avait deux sous de bon sens, il payerait le patron du bar pour qu’il arrête de lui raccourcir ses fringues. À quoi ça lui sert d’être jaloux s’il laisse sa copine se dandiner dans cette tenue pour recevoir des pourboires qui seront d’autant plus juteux qu’elle aura fait baver de désir ?

Chacun ses affaires. Les habits d’Alicia concernent peut-être son copain et son boss, mais pas Alex. Lui, son problème, c’est l’itinéraire auquel Roch n’arrive pas à fixer son attention.

Y’a encore du stock, mais faudrait faire un voyage avant l’hiver.

 

 

 

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Commentaires

RAT BUFFLE TIGRE

LIEVRE DRAGONSERPENT

CHEVAL CHEVRE SINGE

PHOENIX CHIEN SANGLIER

 

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