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Sinistre Disco Ball... 60  ans de dystopie psychologique
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C'est quoi ce truc ?
En un tout premier temps, Sinistre DiscoBall n'était qu'un pari idiot sur lequel je pensais me casser la figure avant d'avoir écrit le douzième du premier jet. En un second temps, il a été envisagé, sans trop y croire, de le publier en auto-édition numérique. En un troisième, envisagé de même mais sérieusement et assez follement. En un quatrième... nous y voici. Publication sur blog.Tout  simplement. 

Description du projet : ICI.
Complément à description : LA.

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9 mars 2020

1.5 > Demande en mariage

 Année de la Chèvre d'Eau.

 2063.

Tanya.

Le rendez-vous à l'agence s'est bien passé. Du moins c'est l'impression qu'a eue Tanya, car en fait, elle n'a pas compris grand-chose de ce que l'agent artistique racontait. Jusqu'ici, c'était Red qui l'accompagnait pour ce genre d'entretiens. C'est la première fois qu'elle y va avec Patrick. La conversation a été plus paisible. Plus posée. Paradoxalement : plus complexe. Le magicien est négociateur habile. Très habile. Là où Red aurait quémandé des explications floues, se mettant en position de faiblesse, lui pointe du doigt les moindres détails, exige en souriant et visualise parfaitement. Il fait le fort. Celui qui a des cartes en main. Il joue tellement bien le rôle qu'elle y a cru. Ce n'est qu'en sortant qu'elle a compris que dans cette lutte pour un contrat, il avait très nettement le dessous. Il n'a rien dit. Pas un mot. Elle l'a su en le regardant. Ses yeux brillaient comme un mélange de feu et de glace. Son visage était figé dans l'expression qu'il affiche sur scène. Sa nuque raide, pour ne pas courber. Aux quelques questions qu'elle a posées, il a répondu qu'il lui expliquerait plus tard. Elle le sent non seulement contrarié mais humilié.

Le tramway aérien est bondé. Au moins, ce wagon est propre. Impossible de s'y asseoir, pourtant, et la foule est remplie d'individus bizarres. Les employés de bureau sont presque plus effrayants que les voyous des bas quartiers. Quand ils prennent ce genre de transports, les gens des secteurs déshérités se tiennent plutôt bien. Ce doit être leur navette vers les autres mondes, vers là où il fait mieux vivre. Là où les magasins contiennent des marchandises. Bousculée par une grosse dame en tailleur strict, Tanya manque se faire piétiner. Tandis que Patrick la relève, trois loubards alourdis chacun de deux sacs remplis de nutriboites prennent l'agresseuse à partie. Elle piaille « au secours ». Ils ricanent des moqueries insultantes. Un quatrième individu arrache un homme à son siège et fait signe à Patrick d'y déposer sa compagne. Le jeune homme remercie poliment les étranges créatures au faciès bariolé de maquillage et aux ceintures alourdies de chaînes et de morceaux de ferraille. L'un de ces êtres conseille « de ne pas laisser amocher la jolie poupée », avec un ton qui pourrait amorcer le grivois. Un autre lui écrase le pied férocement, parce qu'il trouve que le couple a l'air tout droit sorti d'un film romance et qu'il ne faut pas les emmerder. Un troisième, qui a l'air d'un chef, approuve le romantisme, et comme la grosse dame a commis l'erreur de brailler que ce n'est pas la peine de faire semblant de posséder du savoir-vivre, lui colle une baffe et susurre qu'une bourge friquée comme elle devrait voyager en wagon première classe, plutôt que bousculer les gens en troisième. Un acolyte propose de la délester de ses bijoux. Il interdit, à cause de la vidéosurveillance qui, sur cette ligne, a été réparée la semaine dernière.

Tout cela n'est que l'ambiance ordinaire de la ligne, et aucun témoin de la scène n'y accorde de réelle importance, mais à l'arrêt suivant, toute la troupe descend, avec une hâte de fuyards. Les « coyotes » n'aiment pas qu'on les regarde, et l'incident a attiré sur eux tous les yeux du wagon. Ou peut-être qu'ils ont profité de la bousculade pour fouiller quelques poches. Patrick a tout de suite vérifié les siennes.

Tanya rêvasse en regardant une femme qui tient deux enfants par la main. Tous trois vêtus de ces couleurs très vives mais défraîchies qu'on porte dans le Losange. Patrick, par la vitre, observe les autovolantes. Il voudrait s'en acheter une, mais n'en a pas les moyens. Elle, ce qu'elle voudrait, c'est plus simplement une motovolante. C'est moins cher, mais ni ses frères ni son chéri ne veulent la voir chevaucher ces engins-là. Elle sait pourtant monter un cheval sauvage, alors quoi ? Pas contrariante, et puisque son bel illusionniste est têtu comme une bourrique, elle n'insistera pas. N'empêche que ça, ils pourraient.

A leur station, il la prend par le bras, élégant et gentleman. Merveilleux de douceur prévenante.

– Si on allait dîner, maintenant ?

Aux yeux qu'il a, ce n'est pas de se remplir l'estomac qu'il a envie, mais de proposer à sa compagne de venir chez lui après. Enfin... chez lui... dans sa chambre d'hôtel, quoi. Ils sont dans le même couloir. A quelques portes l'un de l'autre.

Elle approuve en se coulant contre lui amoureusement et l'embrasse très fort sans se soucier des gens qui les regardent, puis déclare qu'elle est épuisée et qu'un en-cas lui fera le plus grand bien. Il fait sa petite moue qui veut dire qu'il sait ce que ça veut dire. Patience. Patience. Comme à chaque fois, il a la courtoisie de ne pas insister. Elle sait bien qu'il est frustré de la réponse, et s'en veut. Pourquoi est-ce qu'elle fait ça ? Romantisme ridicule de fille qui s'est fichu en tête des rêves d'amour idyllique. Réalité cruelle qui pince le cœur du chéri, mais elle n'arrive pas à changer d'avis.

Il est l'homme idéal. Aussi doux que beau. De profession voisine de la sienne. Assez rationnel pour comprendre les détails techniques et économiques qu'elle peine à saisir. Pourquoi douterait-elle du choix que son cœur lui fait faire ?

Organiser des spectacles d'acrobatie à cheval, en ville, ce n'est pas facile. Il y a beaucoup de frais de matériel et de transport, et tout un tas de complications qu'elle serait incapable de gérer. Quand Patrick les lui expose, elle peine à suivre les explications, pourtant patientes et attentives. Au bout du compte, les problèmes évoqués se résolvent sans qu'elle ait à y mettre le nez.

– Toi, tu y mets ton talent, mon amour.

Quand il dit ça, elle se sent d'abord fondre, puis elle devient un peu triste. Lui aussi il a du talent. Ça ne l'empêche pas de savoir discuter avec leur agent.

Ce soir-là, il a choisi un restaurant un peu plus beau que d'habitude. Elle admire le décor, étonnée et un peu inquiète. Est-ce qu'il y a quelque chose à fêter ? Quand elle lui en pose la question, il rit et répond qu'ils fêtent le renouvellement de leurs contrats, mais à la fin du repas, il dépose un écrin à côté de la tasse à café de Tanya. Pétrifiée, elle n'ose pas l'ouvrir. Le regarde avec des yeux de biche effarouchée. Devine ce qui s'y trouve sans être bien certaine de vouloir en avoir la certitude.

C'est lui qui ouvre.

Classique et dépensier, il a choisi un diamant.

– Je... je ne peux pas dire oui.

Il fronce les sourcils.

– Pas encore... Pas tout de suite... tu sais bien que ta famille ne m'aime pas beaucoup ! Et la mienne ne t'apprécie pas non plus des masses ! Ça n'ira pas. Il faut attendre un peu, Pat !

– Voilà plus d'un an qu'on sort ensemble ! Ils ont eu le temps de s'y faire, non ?

Il tente de garder son allure digne et élégante. Essaie de conserver le visage avenant. Mais la réponse lui reste visiblement en travers de la gorge. C'est tellement visible que Tanya, après avoir tenté plusieurs sourires pour le dérider, tire la bague du velours et se la met au doigt.

– Voilà. Tu es content ?

– Mouais...

Non. Il n'est pas content. Cela se voit comme le nez au milieu de la figure. Pour coucher avec elle, il devra d'abord lui passer non une bague de fiançailles mais une alliance, et il sait aussi bien qu'elle que convaincre leurs deux familles sera un parcours du combattant. Elle hésite. Se demande si elle a raison de le faire patienter. Oui. Non. Oui. Pas question. Ce sera encore non, elle n'en démordra pas.

Il se lève. Passe derrière la chaise de Tanya. Se penche pour l'embrasser. La regarde bien en face, pour lui faire contempler ses yeux gris et bridés toujours plus expressifs que l'ensemble de sa personne. Ils ont un éclat de malice à la fois coquine et démoniaque. Style gamin capricieux.

– Si je demande à te voir nue, tu vas m'envoyer la bague à la figure... mais je ne serais pas fâché non plus de faire connaissance avec ton pyjama, tu sais.

– Oh ! Tu n'as pas honte ?

– Pas du tout.

Une femme à la jupe trop courte et au corsage trop échancré passe près de leur table avec un homme dont la veste laisse entrevoir un pistolaser. Ostensiblement, Patrick la suit des yeux. Tanya comprend bien ce qu'il veut dire. Si elle continue, il ira voir ailleurs.

C'est bien visé. Elle déteste qu'on touche à « son » Patrick. Son allure fière et élégante fascine à peu près tout le monde. Beaucoup de femmes lui font les yeux doux. D'habitude, quand elle s'en rend compte, il la rassure en disant qu'il préfère sa petite chasseresse fuyante et timide.

D'habitude...

– Pas toute nue, hein ?

– Oui, oui, j'ai compris. On fête nos fiançailles. Pas notre mariage. T'en fais pas. Message reçu.

En espérant sans doute convaincre les deux familles le plus vite possible.

– C'est juste pour m'aider à attendre.

Sous prétexte de rajuster une mèche de cheveux et de replacer son châle, la main agile du magicien glisse le long du cou de Tanya, puis s'égare sur son décolleté.

Soulève un peu le bord de la robe pour explorer entre ses seins.

– Et puis, peut-être que ça te donnera envie de la nuit de noces ?

Elle rougit et regarde son assiette vide.

Si seulement Grand-Mère Nuage était là pour la conseiller ! Patrick est tellement différent des garçons du village ! Il a tellement de goût pour la provocation !

– Encore une chose... quand on sera mariés... pas tout de suite, les enfants, tu veux bien ?

– Tu as peur pour ta carrière ? Tu as peur que je te fasse moutard sur moutard, comme ton frère fait à sa femme ? T'en fais pas. J'ai horreur des gosses. Surtout petits. Suis pas pressé d'en fabriquer, je t'assure. Pas du tout. C'est toi que je veux. Juste toi.

Les yeux gris se sont éteints. La voix grave et chantante s'est un peu étranglée sur la fin. La main baladeuse s'est enfuie. Tanya pressent un demi-mensonge. Ou bien une omission. Elle ne cherchera pas à savoir. S'il y a quelque chose qu'il ne veut pas dire, elle ne l'y obligera pas.

 2017-12-20--Bareuzai---NBc

 

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LIEVRE DRAGONSERPENT

CHEVAL CHEVRE SINGE

PHOENIX CHIEN SANGLIER

 

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