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Sinistre Disco Ball... 60  ans de dystopie psychologique
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C'est quoi ce truc ?
En un tout premier temps, Sinistre DiscoBall n'était qu'un pari idiot sur lequel je pensais me casser la figure avant d'avoir écrit le douzième du premier jet. En un second temps, il a été envisagé, sans trop y croire, de le publier en auto-édition numérique. En un troisième, envisagé de même mais sérieusement et assez follement. En un quatrième... nous y voici. Publication sur blog.Tout  simplement. 

Description du projet : ICI.
Complément à description : LA.

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23 mars 2020

1.6 > C'est pas une vie d'être super

Année de la Chèvre d'Eau.

2063.

 Stuart.

Il y a quelques temps, sur le panneau holographique qu'on voit depuis la fenêtre de la chambre, on a pu suivre une très longue interview du représentant d'un groupe industriel opposé à Baudouin Matyald. L'objet numéro un du litige était précisément ce type d'écran.

Depuis que le multimilliardaire a décrété qu'il fallait les éteindre après minuit pour réduire les déambulations nocturnes, on dort mieux dans les appartement munis de volets et non de fenêtres à opacité contrôlée. Comme il ne mâche pas non plus ses mots à propos des magnétovoies, il a aussi été question de l'éventualité qu'il réclame un couvre-feu pour cela aussi. Quand il déconseille aux femmes d'entrer dans les troupes SU, on le bombarde réactionnaire, et quand il prétend que les SU sont un garde-fou et non un remède, on l'accuse d'anarchisme. Sur tous les fronts où il est peu ou prou impliqué, c'est le même cinéma. Quand il prône le renforcement des météosphères urbaines, on l'accuse de défendre les marchés détenus par ses entreprises. Quand il conseille de favoriser les bunkers cataclysmiques pour les petites localités, on dit qu'il va créer des disparités culturelles. Quand il agrandit la réserve naturelle qu'il a créée autour de la météosphère qui protège sa villa, on le traite de misanthrope amoureux de la préhistoire. Quand il y installe des plantes et des animaux modiclonés, on hurle à l'apprenti sorcier. Les sondages sont unanimes à le considérer comme à moitié cinglé, voire aux trois-quart, mais chacun sait que cet extravagant dispose des moyens d'obtenir à peu près tout ce qu'il voudra. On qualifie ses idées de caprices dans la tête d'un vieux fou aussi sénile que richissime, mais on craint le jour où il lâchera les rênes à ses nièces, à leurs maris et ses fils. On accuse cette famille d'être rétrograde mais en se réjouissant de ce que les jeunes loups aux idées débordantes respectent les poils gris du chef de meute à l'instinct prudent.

Les têtes d'entreprise qui veulent que les écrans holographiques publics fonctionnent vingt-quatre heures sur vingt-quatre ne savent pas qu'une fenêtre opacifiante, c'est hors de prix, et ils n'ont probablement pas d'holoécran devant leur chambre à coucher.

Quelle heure est-il ?

Quand Stuart et Kiona se sont jetés sur le lit, des colorations variables animaient les meubles. A présent, on ne voit plus que les flashs rapides et pâles des tramways sur leur magnétovoie. A quatre heures du matin, l'hologramme se déchaînera, plus brutal que n'importe quel lever de soleil. Il faudrait remplacer les volets par des plus efficaces.

A chaque passage lumineux, Stuart a l'impression que le paquet de cigarettes sur la table de nuit lui fait des grands gestes. Allongée contre lui, et même un peu sur lui, Kiona dort tranquillement. Lui s'est réveillé à peine assoupi, tiraillé par une envie de clope. Depuis il navigue entre rêveries, lumières de la fenêtre et démon tabagique. Depuis au moins une heure et demi. Peut-être deux. Il ne bouge pas. Il faut qu'il perde cette mauvaise habitude qu'il a prise depuis qu'il bosse pour Alpha, ou la dompte au moins un peu. Pense à la vieille Sarna, sa grand-mère, à qui il est allé rendre visite le mois dernier. A ce qu'elle lui a dit.

Sitôt majeur, il a fait des pieds et des mains pour intégrer ALPHA. Quand on un super-pouvoir, il faut que ça serve, et l'agence lui semblait le meilleur endroit pour l'employer au mieux. Cette prophétie que son père raconte toujours comme une blague, il y a cru et il y croit encore. Il n'a aucune raison de ne pas y croire. Et son Ego était ravi de ce possible destin.

1 + 1 = 2... 2 + 1 = 3... Et ainsi de suite. 9 générations, ça semblait un calcul simple.

Sauf qu'il s'est planté.

Pour Sarna, il ne s'agit pas de générations génétiques mais de générations d'enseignements. Leur famille est de celles où les techniques sont transmises de parent à enfant. Tout ça semblait bête comme chou. Sauf que Gary n'a jamais appris la moindre technique et que Sarna a transmis sa science à ses petits-enfants au lieu de son fils. Huit au lieu de neuf. Le compte n'est pas bon.

Quel compte ?

Prophétie, croyance ou tradition, c'est kif-kif bourricot. Toutes les neuf générations, leur famille est supposée fournir un être hors du commun. Soit tous les deux siècles environ. Des jolies sornettes, oui ! Surtout qu'à force de s'éparpiller sur toutes les branches généalogiques, cette histoire doit commencer à toucher pas mal de monde, même s'ils ont depuis des siècles une solide tradition de fratries réduites.

S'il savait l'importance que son grand frère accorde à cette foutue prédiction, Patrick le traiterait d'idiot. Son avis à lui, là-dessus, est très ferme : c'est une stupide et dangereuse superstition. Il a peut-être raison. Mais comment savoir ? Comment être sûr ?

Stuart y a cru, à cette histoire et il s'est efforcé d'être celui-là. Patrick le traite parfois de redresseur de torts à la petite semaine et il a raison. Un super-héros au rabais, voilà ce qu'il est. A peine capable de sauver le sac à main des petites vieilles.

Pour comble, Kiona et Sarna s'entendent à merveille. Il sent venir le jour où sa grand-mère aura totalement métamorphosé sa compagne et où il aura dans son lit une guerrière super-fonceuse au lieu d'une employée de bureau hyper-rationnelle.

Kiona bosse pour un des organismes qui, dans le Losange, essayent de sauver ce qui peut l'être. Nombreux, mais pas assez, ces trucs font de l'humanitaire, comme on dit. Vu l'état du quartier, c'est de la mission à haut risque. Gérer les stocks de vivres et médicaments à distribuer est une gageure impossible, et il est assez fier de sa chérie qui s'y essaye tous les jours. Tout ça est régulièrement volé pour être revendu au marché noir. On en retrouve même dans les étalages des boutiques de proximité, sans que leur gérant sache dire où il les a achetés. Normal. Dans le Losange, les épiciers achètent les cinq sixièmes de leurs marchandises aux voyous.

Et après ça, il s'étonnera qu'elle aussi ait des envies de se lancer dans l'aventure héroïque ? Le fantasme de tous ceux qui s'imaginent qu'on peut rendre le Losange un peu civilisé...

Se lève doucement. Saisit le paquet de clopes. Vide. Pas de pot. Juste à côté, le téléphone clignote d'un appel enregistré. Il n'a pas entendu sonner. Regarde l'heure du message. Se dit qu'à ce moment-là, il avait autre chose en tête. Dans l'éclair d'un tramway, regarde sa compagne dont le corps émerge des draps défaits et chiffonnés. A plus envie de remettre ça que d'écouter ce fichu répondeur. Professionnel mais pas réjoui, s'y décide quand même.

Routine. Une mission commando sur les entrepôts du Marionnettiste. Signal d'action à venir dans les trois jours. Doit passer au plus vite chercher les ordres. Sera chef d'opération. Ah ben ça, c'est pas une bonne surprise. Il déteste avoir des gusses à diriger. Tous plus incontrôlables les uns que les autres, les agents alpha. En plus, il préfère agir seul.

Il y a un autre message. Celui-là, c'est Patrick. Il s'excuse d'avoir été un peu vif durant leur discussion de l'après-midi. Explique en bégayant qu'il est très amoureux et a du mal à admettre qu'on doute de Tanya. Elle est tellement merveilleuse. Stuart hoche la tête. Patrick est bête amoureux, ça se voit comme le nez au milieu de la figure. Lui, ça lui est égal de qui son frère est fou. Du moment qu'il garde la tête froide. Cette bague hors de prix qu'il a achetée pour se fiancer, c'était pas raisonnable. Vu le niveau de ses économies, il aurait mieux fait de garder ses sous pour cette voiture dont il rêve.

C'est pas ses affaires. Il n'a pas envie de fourrer le nez entre le marteau et l'enclume. N'empêche qu'il ne comprend pas. Patrick dit ne pas vouloir d'enfants... alors pourquoi il se marie ? Est-ce que lui, il se marie ? Pourtant, il vit avec Kiona, et ils veulent même un bébé ! Alors quoi ?

8 + 1 = 9.

Tout à coup, Stuart n'est plus si certain que son frère regarde cette histoire comme de la pure superstition.

Tout à coup, lui-même a peur de ce 8 + 1. Cette charge qu'il a cru endosser... s'il a un enfant, est-ce que ce n'est pas sur lui qu'elle va retomber ?

Ce serait tellement plus simple s'il était normal. Comme Gary. Oublié par cette saloperie de pouvoir magique à la con. Ce don surprahumain juste bon à faire des spaghettis avec.

Ou même s'il n'y avait pas ce niveau supérieur revenant toutes les neuf générations. Cette connerie de Level-Up qu'il a eu la bêtise de croire géniale. Cadeau à l'arsenic dans une boite dorée.

Il effleure sa joue, longuement. Examine des doigts la longue balafre qu'il arbore depuis l'adolescence. Elle est laide à voir et désagréable au toucher. C'était sa faute. Il n'était pas toujours un grand frère attentif. Admiratif du don plus puissant de son cadet, il le poussait à s'entraîner le plus possible. Lui-même le faisait jusqu'à épuisement. Ce jour-là, ça a dérapé. Il avait dix-sept ans. Pat en avait tout juste quatorze. Le pauvre était atterré de ce qu'il avait fait. Horrifié d'en avoir eu la capacité. E il l'est resté.

Désespérément envie d'une de ces foutues clopes. Rien à faire. Pas de paquet de rechange. Faudrait sortir exprès pour en chercher. Ça va pas du tout. Faut qu'il arrête. Il va bientôt être aussi accro à la nicotine que les camés du Losange au kerag. Et ça coûte plus cher. Est-ce moins mauvais pour la santé ? Les laboratoires d'ALPHA, qui ont dépiauté le kerag, assurent que ce truc est une abomination, et Stuart, qui a vu le dossier, veut bien croire que c'est vrai, même s'il n'a pas la formation scientifique pour tout comprendre. Mais aucune donnée précise n'est fournie au grand public à ce sujet. S'il était monsieur tout le monde, il pourrait croire ce qu'il a envie.

A nouveau, écoute le message d'ALPHA. La voix du mec au bout du fil est sèche, hostile. Il ne la reconnaît pas, mais devine un des adversaires de son oncle. Personne ne lui a encore jamais reproché cette parenté mais il ne faudrait peut-être pas beaucoup. Non... De toute façon, qu'es-ce qu'ils ont contre lui ? Rien. Ils n'ont strictement rien à lui reprocher. Mais ils vont réussir à le foutre dehors, ça c'est sûr, et il devrait même s'en aller avant qu'on l'y oblige. Seulement, pour lui, ce boulot, c'est comme ses gosses, et peut-être même encore plus important. Ses fils ont parfois été jaloux de l'importance qu'il y accorde.

Ces gens qui ne comprennent pas qu'un vieil homme peut avoir donné sa vie à un métier... rien que ça, c'est ignoble ! Et ça ne motive pas beaucoup à obéir. Faudra pourtant bien en passer par là. Le Marionnettiste est au bout du chemin. Ce qui compte c'est de le mettre en cage. Avec ou sans super-héros, avec ou sans connard prétentieux pour distribuer les ordres.

Les draps remuent. Bruissent. Kiona tend le bras et tâte le vide. Il s'assied près d'elle. Lui caresse les cheveux.

8 + 1. Peu importe. Ça ne dépend pas de lui. L'arbre généalogique est grand.

 

2017-17-17--Ane-Colombiere--NBc

 

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Commentaires

RAT BUFFLE TIGRE

LIEVRE DRAGONSERPENT

CHEVAL CHEVRE SINGE

PHOENIX CHIEN SANGLIER

 

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